La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Premier Amour

Premier Amour - Critique sortie Théâtre Paris Les Déchargeurs
Christophe Collin dans Premier Amour. Crédit : Vincent Bourdon

Théâtre Les Déchargeurs / de Samuel Beckett / mes Jacques Fontaine

Publié le 18 septembre 2017 - N° 257

Créée en juin dernier aux Déchargeurs par le comédien Christophe Collin (dans une mise en scène de Jacques Fontaine), cette vision essentiellement comique du texte de Samuel Beckett est reprise jusqu’à la fin du mois de septembre dans le même théâtre.

Dès son entrée sur scène, il affiche sa longue silhouette de manière volontariste, son allure filiforme et dégingandée, accomplit, tout en corps et en gestes, une suite de pas et d’enjambées sur le petit plateau de la Salle Vicky Messica, au Théâtre Les Déchargeurs. Le comédien s’étire, compose quelques mimiques, fixe les spectateurs, cherchant à instaurer une façon d’intelligence clownesque avec la salle. Puis, toujours silencieux, il finit par s’allonger au centre du plateau, sur un banc, l’un des deux éléments de décor du spectacle avec le siège recouvert d’une bande de tissu disposé à main gauche, à l’arrière-scène. Après Jean-Quentin Châtelain à la fin des années 1990 (au Théâtre de la Bastille), après, dix ans plus tard, Samy Frey (au Théâtre de L’Atelier) et Alain Macé (déjà au Théâtre Les Déchargeurs), Christophe Collin ré-investit en cette rentrée la nouvelle écrite par Samuel Beckett en 1945 (publiée en 1970 aux Editions de Minuit). Un texte puissant, troublant, insolite, traversé de facéties et de gouffres métaphysiques. Un monologue intérieur qui préfigure, quelques années avant En attendant Godot (pièce achevée en 1949, éditée en 1952, créée en 1953), tout le théâtre de l’auteur irlandais.

« …comme par des marches descendant vers une eau profonde. »

Dans Premier Amour, il est bien sûr question d’une relation amoureuse, une idylle improbable dont l’un des deux protagonistes, un homme étrange entretenant avec le monde et l’existence des rapports singuliers, fait le récit. Il nous ouvre l’étendue de ses pensées et de ses ressentis. « Je ne me sentais pas bien à côté d’elle, déclare-t-il, sauf que je me sentais libre de penser à autre chose qu’à elle, et c’était déjà énorme, aux vieilles choses éprouvées, l’une après l’autre, et ainsi de proche en proche à rien, comme par des marches descendant vers une eau profonde. Et je savais qu’en la quittant je perdrais cette liberté. » On se laisserait nous aussi volontiers glisser vers ces zones abyssales, à la fois lumineuses et obscures, toujours soumises à des impulsions contradictoires. Mais la direction d’acteur de Jacques Fontaine enferme son interprète dans une matière théâtrale qui n’offre que peu d’espace aux immensités du vide et au mystère. Surchargé d’effets et d’intentions comiques, ce Premier amour ne résonne pas. Il reste, très terre à terre, dans les agréments du cocasse. Etouffant ainsi la force sourde qui bat dans les profondeurs de cette grande écriture.

 

Manuel Piolat Soleymat

 

A propos de l'événement

Premier Amour
du mardi 5 septembre 2017 au samedi 30 septembre 2017
Les Déchargeurs
3 Rue des Déchargeurs, 75001 Paris, France

Du 5 au 30 septembre 2017. Du mardi au samedi à 19h30. Durée de la représentation : 1h10. Tél. : 01 42 36 00 50. www.lesdechargeurs.fr

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre