Pompier(s) de Jean-Benoît Patricot, mise en scène de Catherine Schaub
De Jean-Benoît Patricot / Mes Catherine Schaub
Publié le 24 septembre 2019 - N° 280Dans Pompier(s), Jean-Benoît Patricot s’empare d’un fait divers pour aborder la question de la violence sexuelle. Dans sa mise en scène, Catherine Schaub fait entendre la poésie du texte, mais aussi ses faiblesses.
Entre Géraldine Martineau (La Fille) et Antoine Cholet (L’Homme), l’écart, la différence est visible d’emblée. Les deux bancs en bois qu’ils occupent ont beau être tout près, le vide du plateau et ses ombres percées par de grandes lignes de lumière les sépare. De même que leur allure. Elle, « entre vingt et trente ans. Pas apprêtée » est, comme l’indique Jean-Benoît Patricot dans la didascalie initiale de Pompier(s), « vêtue très simplement : un jean, un pull et des baskets usagées. Un sac à main bon marché ». Tandis que lui, pompier de « 27/28 ans. Presque beau. Baraqué. Cheveux très courts », est « vêtu d’un survêtement de ville, baskets très blanches ». En respectant à la lettre les intentions de l’auteur, Catherine Schaub, qui codirige avec Léonore Confino la compagnie Productions du sillon, met en place le duel qui ne tarde pas à opposer les deux personnages. Épurée mais naturaliste, sa mise en scène de Pompier(s) ancre le dialogue entre La Fille et L’Homme dans un réel probable. Elle en illustre l’inégalité, le déséquilibre qui se déploie à travers les deux parlers très différents imaginés par Jean-Benoît Patricot. L’un métaphorique, doux et singulier ; l’autre très littéral, tranchant. Portée par deux excellents comédiens, cette approche a le mérite de souligner le travail sur le langage réalisé par l’auteur. Mais elle en souligne aussi les limites. En insistant sur le contraste entre les protagonistes, Catherine Schaub et ses comédiens appuient la dimension binaire, manichéenne, du texte.
Leçon de « non »
« Non est une phrase complète ». Citée par Catherine Schaub dans un entretien réalisé par Pierre Notte pour le dossier de presse du spectacle, cette affirmation de l’actrice Jane Fonda en soutien aux femmes au moment de l’affaire Harvey Weinstein résume efficacement la pièce. Elle en exprime la morale, explicite dès lors que La Fille dit : « Je ne savais pas que je ne voulais pas. Je ne savais pas que je pouvais ne pas vouloir ». Ce à quoi L’Homme réplique : « Tu entends ton charabia. Il n’y a que toi qui te comprennes. “Je ne savais qu’on pouvait ne pas vouloir ce qu’on voulait…’’ Conneries. Alors, il faudra leur dire que tu n’as jamais dit non. Jamais ». La suite est à l’avenant : basée sur un fait divers réel – le viol collectif d’une bande de pompiers sur une jeune femme handicapée, relaté par Libération en 2001 –, Pompier(s) est une violente confrontation entre les deux langages en présence. Celui du grand méchant pompier et celui de la très gentille handicapée. C’est un dialogue de sourd qui progresse néanmoins, d’une manière attendue, vers la révélation des détails du crime. Vers l’issue du jugement de l’affaire – la pièce se déroule dans les coulisses d’un tribunal – et l’apprentissage du « non » par La Fille. Faute de proposer un langage susceptible d’apporter du trouble, de l’ambiguïté au texte, la pièce ne va guère au-delà du bon sentiment.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Pompier(s) de Jean-Benoît Patricot, mise en scène de Catherine Schaubdu mardi 10 septembre 2019 au dimanche 13 octobre 2019
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris
à 18h30. Relâche les lundis, le 15 septembre et le 1er octobre. Tel : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr