La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Gioia de Pippo Delbono

La Gioia de Pippo Delbono - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Pippo Delbono dans La Gioia. Crédit : Luca Del Pia

Théâtre du Rond-Point / de Pippo Delbono

Publié le 11 octobre 2019 - N° 280

Huit mois après la disparition de son acteur fétiche, surnommé Bobò, Pippo Delbono rend hommage à celui qui fut, durant près de 20 ans, l’une des figures emblématiques de son univers théâtral. Un spectacle de deuil qui cherche le chemin de la joie en explorant les creux et les ébranlements d’un théâtre de la vie.

Il est mort le 1er février dernier, à l’âge de 82 ans. Pour celles et ceux qui n’ont jamais vu de spectacle de Pippo Delbono, Bobò (de son vrai nom, Vincenzo Cannavacciuolo) était un comédien microcéphale sourd et muet qui, avant de rejoindre (en 1996, à l’âge de 60 ans) l’aventure de théâtre menée par l’auteur et metteur en scène italien, passa plus de 40 années dans un hôpital psychiatrique. On ne verra donc pas, dans cette nouvelle création intitulée La Gioia (La Joie), ce petit homme d’apparence fragile avancer sur scène, cet être au regard impressionnant de densité, au sourire enfantin, à la présence foudroyante. Bobò n’avait rien à faire, il se contentait d’être : intense, d’une profondeur et d’une authenticité absolues. Comment continuer sans lui… Pippo Delbono et ses compagnons interprètes (le trisomique Gianluca Ballarè, l’ancien SDF Nelson Laricia, le réchappé de la dictature argentine Pepe Robledo…) ont dû se poser la question. Ils répondent par un spectacle hommage qui, fidèle à l’art de Pippo Delbono, trace une ligne insolite entre théâtre et réel.

Des tableaux simples, essentiels

La Gioia fait se succéder des tableaux simples, essentiels, qui constituent une proposition plus lente et plus dépouillée que les précédentes créations de Pippo Delbono. Comme si l’absence de Bobò imposait, en début de spectacle, une manière de réserve, voire de torpeur à la représentation. Puis le rythme va s’accélérant. Des processions de figures baroques s’élancent. Des mots et des phrases fusent, donnant voix à des récits, des citations, toutes sortes d’exhortations. Il sera question de l’existence, de la mort, de la folie, de l’amour, de la douleur, de la peur, de la tristesse, de la joie… Avec, pour fil rouge, des souvenirs relatifs à Bobò dont on entendra la voix à plusieurs reprises : poignante et déroutante. Cri pour la joie, plutôt que cri de joie, la dernière création de Pippo Delbono, entre recueillement et clameurs, risque de désarçonner les membres du public qui, n’ayant jamais vu Bobò sur scène, pourront avoir l’impression d’être ici des passagers clandestins. Les autres retrouveront la vérité d’un art à la beauté âpre et sensible. Ils écriront une nouvelle page de l’histoire de théâtre et de vie qu’ils construisent, de spectacle en spectacle, avec la troupe de Pippo Delbono.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

La Gioia de Pippo Delbono
du mardi 1 octobre 2019 au dimanche 20 octobre 2019
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin Delano Roosevelt

Relâche les lundis et le 4 octobre. Les dimanches à 15h. Durée de la représentation : 1h20. Spectacle en italien, surtitré en français. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr.

Egalement le 27 novembre 2019 au Théâtre de Villefranche-sur-Saône, les 3 et 4 décembre au Merlan à Marseille, les 6 et 7 décembre au Théâtre Molière à Sète, les 10 et 11 décembre à la Scène nationale de Besançon, le 13 décembre à La Filature à Mulhouse, les 17 et 18 décembre à Bonlieu – Scène nationale d’Annecy, les 27 et 28 mars 2020 au Théâtre national de Nice.

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