Philippe Mouratoglou Trio

Dans les notes de préface qu’il a rédigées pour le très élégant objet, illustré par Emmanuel Guibert, qui constitue l’album, Gilles Tordjman qualifie les trois musiciens au cœur de ce projet de « peintres en musique », une formule qui décrit justement la sensation procurée par l’écoute de ce trio totalement acoustique, qui accorde une importance équivalente à la matière sonore des instruments (jeux de timbres, résonances des matériaux) et aux lignes entrecroisées qu’ils dessinent collectivement. Se dédiant exclusivement aux guitares sèches, chose rare dans le contexte d’un trio apparenté au jazz, Moratoglou a trouvé en Bruno Chevillon, à la contrebasse, et Ramon Lopez, batteur percussionniste, deux partenaires qui envisagent la musique dans une même communauté d’esprit, abordant l’improvisation dans la liberté de leurs parcours divers et la singularité de leurs tempéraments. Entre deux dédicaces, l’une à Ornette Coleman, l’autre au chanteur Scott Walker, leur répertoire joue des silences et des brisures, regarde fréquemment vers les cieux, et reflète (jusque dans les titres) les formes délibérément flottantes qui le caractérisent, dans leurs contours mélodiques comme dans l’harmonie. Une musique bien souvent gracile, mais non sans élans tourmentés, qui tisse, entre ombre et lumière, dans une précision du geste collectif et des respirations communes qui impressionnent, un univers singulier à découvrir dans l’intimité du Studio de l’Ermitage.

V. Bessières