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Théâtre - Critique

Patrick Pineau revient au burlesque social de Nicolaï Erdman avec « Le Mandat »

Patrick Pineau revient au burlesque social de Nicolaï Erdman avec « Le Mandat » - Critique sortie Théâtre Paris La Tempête - Cartoucherie
Le Mandat, mis en scène par Patrick Pineau. © Simon Gosselin

Théâtre de La Tempête / texte Nicolaï Erdman / mise en scène Patrick Pineau

Publié le 29 mars 2024 - N° 320

Après Le Suicidé, Patrick Pineau revient au burlesque social de Nicolaï Erdman avec Le Mandat. Le metteur en scène et comédien crée un tourbillon de vitalité et de rire, portant haut la générosité du théâtre de troupe auquel il travaille, depuis plus de 30 ans, au sein de la Compagnie Pipo.

C’est un théâtre à hauteur d’êtres humains, à hauteur des personnages naïfs et remuants qu’il investit. Un théâtre qui se partage, qui place haut l’exigence du rire et la justesse du sens. Artisanal, sans doute. Efficace, assurément. Inventif, bien entendu. On se souvient des accents forains du Suicidé, spectacle créé par Patrick Pineau en 2011, dans le cadre du Festival d’Avignon. Aujourd’hui, avec tout autant de réussite, il s’empare de la seconde pièce de Nicolaï Erdman (censuré par la dictature soviétique, l’auteur russe n’en a écrit que deux). Le metteur en scène et comédien s’entoure, pour l’occasion, d’une troupe de quatorze interprètes aux talents vifs et multiples. Le Mandat nous plonge dans l’URSS des années 1920. Après la chute des Romanov, deux familles doivent faire face au cataclysme que représente pour elles la mutation de la société russe. Les Smétanitch, qui ont sauvé leur fortune, vivent dans la nostalgie du régime tsariste. Les Goulatchkine, qui ont presque tout perdu, tentent vaille que vaille de se conformer à l’ordre post-révolutionnaire. Voulant unir leurs forces pour assurer leur survie sociale, le père Smétanitch accepte de marier son fils à la fille Goulatchkine, croyant que le frère de celle-ci est membre du parti communiste.

Les désordres et les petitesses de l’humain

Une cavalcade de quiproquos, de débordements, d’écarts, de déboires font suite à cette entente mise à mal par l’irruption d’une cuisinière déguisée en impératrice. C’est alors toute la corporalité, mais aussi toute la précision du théâtre de Patrick Pineau et de sa complice Sylvie Orcier qui se déploie (la cofondatrice de la Compagnie Pipo interprète la mère Goulatchkine et signe la scénographie du spectacle). Passant de l’exiguïté surchargée, bariolée, d’un appartement communautaire à l’espace vaste d’une réalité ayant perdu ses repères, les folles aventures du Mandat trouvent ici une existence pleine et entière. Sans regarder les personnages de haut, sans s’égarer un instant du côté de la caricature ou du cabotinage, la mise en scène de Patrick Pineau fait résonner la pièce de Nicolaï Erdman de manière profonde. Fil rouge de la représentation, la force burlesque des situations s’exprime sans épuiser la sincérité des femmes et des hommes qui leur donnent vie. Toutes et tous s’agitent, courent, trébuchent, se démènent, nous confrontent aux maladresses d’une humanité qui, sans s’en apercevoir, nous empoigne.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Mandat
du jeudi 18 avril 2024 au dimanche 5 mai 2024
La Tempête - Cartoucherie
Cartoucherie

du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h. Tél :  01 43 28 36 36.  Durée : 2h15. Spectacle vu aux Célestins - Théâtre de Lyon.

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