La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Patriarcat (Vivre en confinement éternel), une performance pluridisciplinaire de la Winter Family

Patriarcat (Vivre en confinement éternel), une performance pluridisciplinaire de la Winter Family - Critique sortie Théâtre Bobigny MC 93 - Maison de la culture de Seine-Saint-Denis Bobigny
Patriarcat par la Winter Family CR : Alain Richard

MC 93 / Conception et mise en scène de la Winter Family

Publié le 27 septembre 2022 - N° 303

Originale mais sans surprise, ambiguë et frontale à la fois, la performance pluridisciplinaire de la Winter Family, Patriarcat, interroge plus qu’elle ne séduit.

Le titre annonce la couleur. Patriarcat. La cible est clairement identifiée. Et la Winter Family n’a pas pour habitude de mâcher ses mots. Le sous-titre, « vivre en confinement éternel », nous ramène quelques mois en arrière. Jusqu’au prochain. De ce confinement, Xavier Klaine et Ruth Rosenthal ne semblent pas sortis indemnes. Si l’on cède à la tentation de prendre la première partie de leur spectacle au pied de la lettre, le couple tangue. À la ville comme à la scène, il semble en déliquescence même, au bord de la rupture. Enfin, si l’on se fie à ce qu’en dit Xavier. Car on n’entend que lui dans ce premier temps. Plein de morgue, d’amertume. Reprochant tout à sa femme. Et leurs échecs artistiques, et leur marasme amoureux, et sa difficulté à communiquer avec sa fille Saralei, et même les amis que Ruth s’est choisis. Une flopée de reproches amers, énoncés sans violence, avec humour même parfois, où il se présente plutôt comme victime. Passive. Sur scène, Ruth lui fait reprendre son texte s’il ne le prononce pas à son goût. Sur le théâtre, c’est elle la maîtresse. Lui, son trip, c’est plutôt la musique. Indienne surtout. La cithare que les hommes jouent devant de jolies filles qui s’adonnent au tanpura. Ici, on est au dans son domaine à elle.

Masculinité toxique sous des traits bonhommes

« Mon patriarcat » annonce Ruth comme pour donner un titre à cette première partie. « La femme » sera celui de la seconde. Seule sur scène, Ruth prend la parole et son envol, dans une sorte de rituel chamanique – sous la figure féminine de la sorcière – aux accents indiens lui aussi. On n’y comprend pas grand-chose. Le discours, lyrique et poétique, tranche avec le monologue trivial mené jusqu’ici par Xavier. Régulièrement, Saralei et quelques jeunes femmes viennent, flûte traversière au bec, prélever quelques hommes dans la salle. On les retrouve à la fin, assemblés comme des vieux potes sur un canapé, verre à la main. Saralei termine alors l’énumération de noms de femmes qu’on devine exécutées pour sorcellerie il y a 500 ans, relayées par celles tuées ces dernières années. C’est la troisième partie, tout en saturation visuelle et musicale. On fait le lien. Du côté des hommes, les femmes resteront-elles toujours des sorcières à éliminer ? Masculinité toxique sous les traits bonhommes d’un artiste branché et désabusé ? Si le dispositif de parole initial maintenait une ambivalence sur le statut de ce qui s’y disait, la suite est plus frontale et univoque. À la fin, la fille, Saralei, tire la chasse et sur ses parents. Pour en finir avec ce confinement dans le patriarcat, il faudrait peut-être en finir avec le couple, et la famille ? Soit. Cela ne semble pouvoir se passer que par une révolution, celle d’une nouvelle génération.

Eric Demey

A propos de l'événement

Patriarcat (Vivre en confinement éternel)
du mercredi 28 septembre 2022 au dimanche 9 octobre 2022
MC 93 - Maison de la culture de Seine-Saint-Denis Bobigny
9 Boulevard Lénine 93000 Bobigny

le samedi et le dimanche 9 octobre à 18h, dimanche 2 octobre à 15h. Durée : 1h10. Spectacle vu au CDN d’Orléans.

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