La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

On n’est pas seul dans sa peau…

On n’est pas seul dans sa peau… - Critique sortie Théâtre
Photo : Julien Piffaut Les outrages d’une vieillesse dévastée et abandonnée

Publié le 10 novembre 2007

Julie Bérès cisèle un spectacle onirique, fantastique et chaotique sur les misères de l’âge qui frappent d’abord les plus déshérités.

Des créateurs multiples et transversaux ont œuvré à la belle et presque trop savante mise en scène de Julie Bérès, qu’ils soient vidéastes, plasticiens, circassiens, marionnettistes, chorégraphes.  De jeunes interprètes, Nadine Berland, Clémence Coconnier, Lucas Manganelli, Delphine Simon et Nicolas Sotnikoff engagent sur le plateau l’écriture scénique d’un puzzle éparpillé  dont les morceaux donnent leur cohérence au fil du temps et des reprises de situations. Une maison à deux étages, ou bien deux pièces superposées d’un appartement où l’on découvre le quotidien des habitants. En haut, le logement central où vit une femme sans âge, sirène à longue chevelure, maugréant contre la sécu et le monde, une bouteille de plastique à la main, obsédée par la nécessité de tout « hydrater », plantes, robe et poisson d’aquarium. En bas, des scènes initiatiques, relevant peut-être de l’enfance, un fils seul avec sa mère en perdition. S’agit-il de la femme  de l’étage plus jeune ? En bas encore, deux petites filles heureuses rient non loin du couple parental pris dans ses difficultés. L’une des fillettes sur sa balançoire est-elle la femme vieillie d’aujourd’hui ? En vrac, des scènes et des images qui raconteraient l’histoire d’une seule, mais qui pourraient tout autant évoquer une démultiplication du sentiment de l’échec et du malheur, à toute époque.

Des militants de la beauté de l’existence, robes fourreau et strass

Une scénographie sophistiquée, coupée imaginairement en éclats et scintillements, avec sonorités douloureuses, cris et chuchotements, aboiements et miroir lumineux qui ne réfléchit plus le mensonge ou le souhait de la Méchante Reine de Blanche-Neige mais la trivialité d’un corps que l’esprit ne contrôle plus.  Les interprètes, contorsionnistes, acrobates, danseurs, sont comparables à des militants de la beauté de l’existence – robes fourreau et strass façon films américains – contre le sentiment d’abandon et l’approche de la mort, les moins pourvus étant les plus frappés. Hélas oui, « on est bien seul dans sa peau », voilà le résultat de rencontres chez des personnes âgées résidant en maison de retraite. Nulle complaisance quant au regard porté sur cette population délaissée et sa question « Comment devient-on vieux ? ». Un film vidéo au-dessus du soupçon d’inauthenticité clôt la représentation. Esseulement moral loin de toute sphère familiale, dégradation du corps et de l’apparence, misère sexuelle, faux compagnonnages avec d’autres que l’on rejette car trop semblables à soi. Un regard esthétisant sur la laideur de l’inassouvissement et des ratés de la vie.

Véronique Hotte


On n’est pas seul dans sa peau…
Mise en scène de Julie Bérès, scénario Julie Bérès et Elsa Dourdet, lundi, mercredi, vendredi, samedi 20h30, mardi et jeudi 19h30, le 25 novembre 15h, le 2 décembre 17h, relâche les 21 et 28 novembre au Centre Dramatique National de Montreuil salle Maria Casarès 63, rue Victor Hugo 93100 Montreuil Tél : 01 48 70 48 90 www.cdn-montreuil.com 

Spectacle vu à l’Onde de Vélizy.

A propos de l'événement


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