« On fabrique on vend on se paie – Une histoire des usines Lip », mise en scène d’Anouk Darne-Tanguille
Théâtre des Carmes – André Benedetto / spectacle du Bain Collectif / mise en scène d’Anouk Darne-Tanguille
Gros plan
Publié le 11 juin 2023 - N° 312
Évidemment que c’est possible ! Fabriquer, vendre et se payer, sans confiscation capitaliste de la plus-value. Sauf si l’État venge le patronat qui exècre l’autogestion. Gloire à la mémoire des Lip !
« Le projet de ce spectacle prend racine dans le terreau de travail du Bain Collectif sur les mécanismes d’oppression et les rapports de pouvoir dans l’Histoire », dit Anouk Darne-Tanguille, qui met en scène le spectacle imaginé autour de la tentative bisontine d’autogestion. Celle-ci prouva la possibilité de produire sans patron, avant que l’État ne vienne mettre fin au pouvoir de l’imagination et au risque de contamination populaire de cette évidence. « Il a fallu éviter les fantasmes et déconstruire le mythe du binaire défaite/victoire. C’est une lutte avec des parts d’ombres, des ambivalences », ajoute Anouk Darne-Tanguille. Retour, donc, à Besançon, à l’été 1973. Lip est un des fleurons de l’industrie horlogère, rachetée par une entreprise suisse qui annonce un plan de licenciement. Démarre une des grèves les plus emblématiques de la fin des Trente Glorieuses. Les ouvriers s’emparent du butin que constituent les montres, les planquent chez des alliés ; leur action devient médiatique. Les nouveaux patrons bloquent les salaires et l’autogestion s’organise : on fabrique, on vend, on se paie !
Lip, affaire non classée
Après s’être imprégné de l’importante matière documentaire autour de cette expérience unique, le Bain Collectif a créé les personnages du spectacle. « On s’est permis un peu de fiction. Alors on a réinventé les figures de la lutte, on peut en reconnaître certaines si on les connait bien et puis on en a inventé d’autres. » Chaque comédien incarne un des six protagonistes principaux mais donne aussi corps à un étudiant, une voisine ou encore un délégué du ministère. « Le spectacle s’ouvre sur la dernière scène, la fin de la lutte, moins belle, moins épique. Cette boucle temporelle, c’est presque comme pour se débarrasser du point final. C’est important pour nous de faire entendre que la fin de la lutte est moche, comme dirait le personnage de Monique. Mais toute cette histoire est d’une richesse sans précédent. » L’héritage de cette histoire, dit Anouk Darne-Tanguille, « c’est l’auto-formation de ces gens-là, et quand on apprend que ça a eu lieu et qu’on plonge dans cette histoire, on ne peut que se dire que c’est possible. Il y a énormément de lumière dans la lutte, ces personnes se sont révélées dans ce combat, des amitiés se sont créées, et c’est tout ça que ce spectacle veut raconter. »
Catherine Robert
A propos de l'événement
On fabrique on vend on se paiedu vendredi 21 juillet 2023 au mardi 25 juillet 2023
Avignon Off. Théâtre des Carmes-André Benedetto
6, place des Carmes
à 15h30. Tél. : 04 90 82 20 47. Durée : 1h30