Olivier Mellor / L’Etabli
Théâtre de l’Epée de bois / d’après le roman de Robert Linhart / adaptation de Marie Laure Boggio et Olivier Mellor / mes Olivier Mellor
Publié le 23 mai 2018 - N° 266Permanence de la lutte et hommage à un texte fondamental : la compagnie du Berger restitue l’histoire de l’immersion dans l’usine Citroën de la Porte de Choisy de Robert Linhart, sociologue et militant établi.
Comment avez-vous découvert ce texte ?
Olivier Mellor : C’est un texte que je connais depuis le lycée. Né en 1973, en province, de parents ouvriers, sa lecture m’a bouleversé. Au fil du temps, la compagnie du Berger a monté plein d’autres spectacles, et puis, cinquante ans après mai 68 et quarante ans après la sortie de L’Etabli, nous avons voulu y revenir. J’avais entendu parlé du retrait de Robert Linhart, de son silence, mais je l’ai appelé, nous nous sommes vus, nous avons discuté et il nous a accordé les droits d’adaptation en nous accompagnant dans ce travail.
Qui étaient les établis ?
O.M. : Des intellectuels, qui militaient de façon poétique et activiste. Le roman raconte l’histoire d’une grève qui ne prend pas. Mais il raconte aussi des histoires humaines, celles de gens qui se disent que même si on risque de se planter, on peut essayer de faire des choses ensemble. Le titre du livre est aussi à double sens puisque l’établi est celui du vieil ouvrier qui perd ses moyens quand on rationalise son poste de travail et qu’on change l’établi dont il a l’habitude contre un autre plus moderne mais auquel il ne peut pas s’adapter.
« Ce qu’a vécu Linhart en usine, nous le vivons au quotidien. »
Théâtre politique que le vôtre ?
O.M. : Le théâtre est politique quand les gens vont au théâtre ! Et on ne peut pas dire qu’une grande partie des gens le fréquente ! On aimerait qu’ils aillent au théâtre comme Linhart s’est établi en usine. Nous voulons faire entendre ce texte, très facile d’accès, très complet et remarquablement écrit, et inciter les gens à le lire. On dit aujourd’hui que les ouvriers sont fachos et dépourvus de cervelle, mais ce discours – savamment orchestré par des élites qui sont souvent issues de 68 – est insupportable. 68 est sans doute une histoire générationnelle avant que d’être l’illustration de la lutte des classes, mais cela ne signifie pas que cette lutte soit défunte. Nous demeurons persuadés que seul le collectif peut sauver la société, même dans nos métiers de plus en plus individualistes. Nous continuons de défendre un théâtre collectif, musical, impliquant. On n’entend plus parler que d’efforts à fournir, d’acquis sociaux à rogner, de budgets en baisse : ce qu’a vécu Linhart en usine, nous le vivons au quotidien. Cette retranscription scénique et spectaculaire que nous faisons de ce livre est aussi empreinte de ce qu’est la société actuelle.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Olivier Mellor / L’Etablidu jeudi 7 juin 2018 au dimanche 1 juillet 2018
Théâtre de l'Epée de bois
La Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
Du jeudi au samedi à 20h30 ; samedi et dimanche à 16h. Tél. : 01 48 08 39 74. Avignon Off. Présence Pasteur, 13, rue du Pont Trouca. Du 6 au 29 juillet à 12h50. Relâche le lundi. Tél. : 04 32 74 18 54.