La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Nous n’irons pas ce soir au paradis

Nous n’irons pas ce soir au paradis - Critique sortie Théâtre Cergy-Pontoise

Propos recueillis / Serge Maggiani
L’Apostrophe / de Dante Alighieri / collaboration artistique Valérie Dréville

Publié le 29 octobre 2012 - N° 203

Seul sur scène, Serge Maggiani revient à l’œuvre de Dante. Une création dédiée au comédien Philippe Avron.

« Il y a eu ce moment de la cour d’honneur en 2008. Valérie Dréville (nous avons joué dans cette même cour cette autre Divine Comédie qu’était Le soulier de satin) me demande de participer à une lecture « divine » de la « Commedia ». Un goût m’est resté, comme dans la bouche, de cette langue, de ce vent qui soufflait si fort dans la cour, de ce long et passionnant travail en amont. Alors j’ai rêvé d’emporter avec moi, de voler le poème et le vent de la cour, de dire des chants de Dante en racontant, en expliquant aussi. Peut-être ce spectacle est-il une didascalie de la vie du poète. Antoine Vitez, d’ailleurs, nous faisait dire toutes les didascalies du Soulier de satin. Nous les mêlions au poème et c’était très beau. J’ai demandé à Valérie Dréville de m’accompagner dans ce nouveau projet, de me guider, comme Virgile accompagne le poète dans sa traversée des royaumes des morts. Un metteur en scène est toujours Virgile et un acteur toujours un fantôme qui revient et raconte. Je commence par le premier chant, le plus difficile, il contient certaines clés de l’œuvre. Cela m’a donné l’idée du titre : Nous n’irons pas ce soir au Paradis. Parce que c’est loin, trop loin. Mais nous y faisons quelques incursions (on pourrait dire quelques excursions.) Mais c’est pour mieux retourner en enfer.

 

Une langue de résistance, une langue d’exil

 

Je ne sais pas si ce spectacle est ou sera un spectacle. C’est un moment. C’est un peu comme si un acteur, faisant partie d’un groupe, se détache, vient s’assoir au devant de la scène, les pieds dans le vide et raconte au public des histoires et des poèmes. C’est toujours sa part d’enfance qu’un acteur joue sur la scène. Ma part d’enfance est l’Italie et sa langue. Et Dante est la langue de l’Italie. Et être italien, c’est croire que Dante a vraiment été en Enfer. Etre Italien, c’est être ou avoir été un petit enfant qui joue par terre dans la cuisine, quand un adulte se penche sur lui, grand, très grand, grand comme la tour de Pise et lui dit, sans que l’enfant n’ait rien demandé, que le plus grand des poètes était italien et qu’il est revenu du voyage d’où l’on ne revient pas, qu’il a traversé la mort. Alors une peur panique saisit l’enfant, mais après il se rendra compte qu’il aura, sa vie durant, et à cause de cela, peut-être un peu moins peur, pas de la mort mais de la vie. J’ai dit « sa vie durant ». Il s’appelait Durant, d’ailleurs, Dante. Durante. Dante. Sa langue est une langue de résistance, d’exil. On m’a raconté d’un détenu, dans un camp, qu’il survivait jour après jour en scandant des chants de Dante. La vie du poète a été un long chemin malheureux. Peut-être n’a-t-il survécu que grâce à elle, à la langue, aux mots, aux vers. Son œuvre est une cathédrale, parfaite, savante. Il y a du Proust aussi chez Dante, ou le contraire. Comme Proust, Dante est un poète sans imagination. Son imagination, c’est sa mémoire. C’est ce qui fait son génie. »

 

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Nous n’irons pas ce soir au paradis
du lundi 12 novembre 2012 au lundi 10 décembre 2012


L’Apostrophe – Théâtre des Arts, place des Arts, 95000 Cergy-Pontoise. Les 12, 19 et 26 novembre 2012 ainsi que les 3 et 10 décembre, à 20h30. Tél. : 01 34 20 14 14. www.lapostrophe.net.
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