29ème édition des journées du théâtre autrichien à Paris
Pour la 29ème année, le traducteur et metteur [...]
A l’instar du scribe Bartleby, le jeune Ismaël choisit la désobéissance passive : il s’allonge et se tait. Un geste radical qui suscite toutes sortes de réactions, et questionne ce qui fonde notre être au monde. Un spectacle porté par le regard aigu d’Estelle Savasta.
Drôle d’histoire ! Ce conte contemporain à la fois familial et politique ouvre vers l’inconnu, vers des sentiers obscurs, là où la raison n’est d’aucun secours, où le sens s’est perdu. Dans le sillage de la pièce Le Préambule des Etourdis (2013), pour laquelle elle avait travaillé en collaboration avec des écoliers de l’agglomération dieppoise, Nous, dans le désordre a été conçu par Estelle Savasta et les siens avec des élèves de seconde, autour du thème initial de la désobéissance. C’est au cours d’une improvisation en classe qu’est née la figure d’Ismaël, personnage central de la pièce, adolescent sans histoires et aimé par sa famille qui un jour décide d’aller s’allonger au bord d’un chemin près de chez lui. « I would prefer not to » : un peu à la manière de Bartleby dans le roman d’Herman Melville, son renoncement définitif évoque une résistance passive qui ne peut se résumer par une interprétation hâtive fustigeant tel ou tel aspect de notre modernité. « Ismaël est le miroir de tous nos désirs de désobéissance. Ismaël est un grain de sable dans un système très bien huilé. Ismaël est un gouffre. » suggère ainsi Estelle Savasta qui, plutôt qu’expliquer, s’attache à faire émerger toutes sortes de questions et à éclairer une multiplicité de manières de réagir au geste radical d’Ismaël.
Une surface de projection qui exacerbe
Il a laissé un mot. « Je vais bien. Je ne dirai rien de plus. Je ne me relèverai pas. » Contraints à une effarante plongée dans l’absurde, ses parents Anna et Pierre, son frère Nils, sa sœur Maya, ses amis traversent diverses étapes, et la partition théâtrale révèle les frottements entre les champs intime et social. Peur, incompréhension, bouleversement, tendresse, colère, révolte, mesquinerie… : la machine s’emballe et transforme les relations. La mise en scène fluide et rythmée par de courtes séquences orchestre des relais dans le jeu, ne psychologise pas les rôles pour que le théâtre se fasse révélateur au sens photographique du terme, agisse comme un miroir grossissant, une surface de projection où se jouent des affrontements saillants et où affleurent de fortes contradictions face au « trou noir » Ismaël, qui semble sur le point d’engloutir son entourage. Flore Babled, Olivier Constant, Zoé Fauconnet, Damien Vigouroux et Valérie Puech interprètent parfaitement la fable. Au-delà des mots, la mise en scène visuelle, sans superflu, interroge chacune et chacun sur ce qui nous rassemble – ou pas.
Agnès Santi
le 13 janvier 2020 à 20h, le 14 à 20h, le 15 à 19h. Tél : 09 71 00 56 78.
Théâtre du Pays de Morlaix, les 13 et 14 février 2020, Théâtre Am Stram Gram – Genève, les 24 et 26 mars 2020, Le Grand Bleu – Lille, le 9 avril 2020, Maison de la Culture de Bourges – Scène nationale, les 12 et 13 mai 2020.
Pour la 29ème année, le traducteur et metteur [...]