La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

A love suprême, de Xavier Durringer, mis en scène par Dominique Pitoiset

A love suprême, de Xavier Durringer, mis en scène par Dominique Pitoiset - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux
© Mirco Magliocca Une magnifique Nadia Fabrizio dans le rôle de Bianca.

de Xavier Durringer / mes Dominique Pitoiset

Publié le 19 décembre 2019 - N° 283

Dans le cadre de son cycle théâtral dédié aux cinquantenaires « à l’entrée des temps post-démocratiques », le metteur en scène Dominique Pitoiset propose son premier portrait poursuivi ensuite par le génial Linda Vista*. Le seul en scène, , spécialement écrit pour l’actrice Nadia Fabrizio par Xavier Durringer, touche au coeur.

Amateur d’un théâtre situationniste dont l’esthétique et la poésie démasquent la déréalisation d’une société du spectacle, machine à broyer le proprement humain, proche également de ces auteurs dont l’humour noir sert de bouclier, comme en témoigne son très beau cycle dédié au théâtre nord-américain, le metteur en scène Dominique Pitoiset ne lâche rien avec A love suprême. Signé par le dramaturge Xavier Durringer dont on connaît la propension à attraper le réel dans son jus et dans son cru, à donner la parole à des êtres à la marge dans une forme d’expressionnisme tragique qui n’exclut pas le cocasse, ce seul en scène met un coup de projecteur sur la destinée d’une stripteaseuse sur le retour. Bianca vient d’apprendre qu’elle doit vider son casier et quitter brutalement l’emploi qu’elle occupe depuis trente-deux ans au peep-show baptisé « A love suprême » à Pigalle. Elle est donc la figure de toutes les femmes vieillissantes condamnées à n’être, au regard d’une société en proie au culte du jeunisme, plus rien. « Et l’amour dans tout ça ? » interroge le metteur en scène.

Une très émouvante mise à nu

L’emprunt du titre de l’œuvre à l’album culte de John Coltrane – dont quelques extraits alimentent la bande son – pèse de tout son poids, chargé d’une suprême ironie veloutée par la tendresse que provoque la mise à nu de cette femme, aimante, avant tout et par-dessus tout. Nostalgique et sans rancœur. Si malheureuse, dans l’instant abattue, et pourtant si pleine de vie. La force de l’interprétation de Nadia Fabrizio tient d’abord à l’une de ses qualités intrinsèques de comédienne : son authenticité. Dans ce rôle créé pour elle, elle donne toute sa mesure. Extrêmement touchante, elle nous attache au personnage, monologuant avec elle-même, s’épanchant sans rien omettre. Elle orchestre un striptease d’un autre genre dans le cadre d’un autre lieu de l’exhibition de l’intime, celui d’une laverie automatique. Là, dans ce décor métaphorique idéalement conçu par le metteur en scène, qui signe également la scénographie, cette cigale contemporaine, digne de la fable, déballe son linge sale en se mettant au propre, dans un monde sans pitié où l’amour peine à trouver sa place.

 Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens

*Lire notre critique La Terrasse n°281

A propos de l'événement

A love suprême, de Xavier Durringer, mis en scène par Dominique Pitoiset
du mercredi 15 janvier 2020 au mardi 21 janvier 2020
Les Gémeaux
49 avenue Georges Clémenceau, 92330 Sceaux

à 20h, sauf dimanche à 17h, relâche lundi et mardi. Tél : 01 46 61 36 67. Durée : 3h. Durée : 1h20. Spectacle vu à Bonlieu, Scène nationale Annecy.

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