La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

No Dice

No Dice - Critique sortie Théâtre
Crédit : Peter Nigrini Légende : Les acteurs de No dice jouent à jouer

Publié le 10 mars 2010

Les acteurs du Nature Theater of Oklahoma taillent à même leur quotidien une désopilante et cruelle réflexion sur l’état de l’art, du théâtre en particulier et de nos existences en général.

Une gigolette rousse en shorty sport, résilles et petits talons, un cow-boy à fausse moustache, un pirate peu orthodoxe à breloques et papillotes, une vamp des grands soirs et un Batman silencieusement déguisé en Mickey… Attifés de fringues probablement piquées dans les malles d’enfance, les personnages de No dice mènent le jeu à bon train, zappant de leurs conditions de travail au Moscow Cats theater à l’examen de Mel Gibson dans Hamlet, dissertant à qui mieux-mieux sur les attentes du public, l’assurance maladie, les petits boulots, le sens de la vie ou les dernières auditions. A l’entrée, une distribution gratuite de sandwichs pain-de-mie et beurre de cacahuète, arrosés de Coca, aura calé les estomacs pour encaisser ces curieuses conversations déversées à flux continus par oreillettes et restituées illico avec force de mimiques stéréotypées. Drôle de truc que ce Nature Theater of Oklahoma… Entre pastiche kitsch du théâtre amateur, sitcom de salon, version junk-food prolo du « diner-theater » typiquement américain et performance arty de l’underground new-yorkais. Ou bien encore vertigineuse mise en abime de tout ça.
 
Ovni théâtral
 
C’est en effet dans le courant du quotidien que Kelly Copper et Pavol Liska, fondateurs de la compagnie new-yorkaise Nature Theater of Oklahoma, ont prélevé la matière brute de leur pièce. Ils ont ainsi taillé dans quelque cent heures de discussions téléphoniques enregistrées entre les membres de compagnie, leurs familles et leurs amis. Puis ont ajusté ces morceaux choisis sur la trame du drame conventionnel, avec rebondissements impromptus, conflits déchirants et interrogations métaphysiques. Les acteurs ici jouent à jouer leur réalité, celle d’artistes luttant pour leur survie dans une société gavée de divertissement, celle d’êtres en quête de sens coloriant leurs banales journées d’histoires calquées sur les fictions télévisées, faute d’imagination. No dice se déroule en temps réel, donc avec ses longueurs et laborieuses répétitions. Pourtant, sous les néons blafards d’une scène improvisée dans ce qui ressemblerait à une salle de marketing téléphonique, les cinq « performers » portent ce bavardage avec l’énergie de l’épopée. Leur jeu outré, leur gestuelle décalée (pompée sur un répertoire allant de la danse disco aux gestes de magiciens) tout comme leur langue d’une pathétique pauvreté disent la tentative dérisoire de faire art aujourd’hui et le piteux mélodrame de l’existence.
 
Gwénola David


No Dice, conception et mise en scène de Kelly Copper et Pavol Liska du Nature Theater of Oklahoma, du 25 au 28 mars 2010, à 19h30, sauf dimanche à 15h30, au Théâtre de Gennevilliers, 41 avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers. Rens. 01 41 32 26 26 et www.theatredegennevilliers.com. Durée : 4h avec entracte. En anglais non surtitré. Spectacle vu au Festival Alkantara à Lisbonne.

A propos de l'événement


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