Una costilla sobre la mesa : Madre écrit d’Angelica Liddell
Spectacle rituel, lamento funèbre en [...]
Mathilde Delahaye met en scène le texte qu’elle a coécrit avec Pauline Haudepin : un spectacle visuellement très abouti, original, créatif et foisonnant mais à la dramaturgie un peu décevante.
Force est d’admettre qu’il est rare que tout, dans un spectacle, soit sans défaut. Si le texte de Mathilde Delahaye et Pauline Haudepin est le point faible de leur réalisation, il n’obère pas complètement la qualité de ses autres composantes esthétiques et scéniques. L’histoire de la pièce est celle d’un lieu et de ses usagers successifs : les ouvriers d’une usine de nickel, reconverti en bar interlope puis abandonné aux champignons que viennent y récolter des mycologues en combinaisons stériles pendant qu’y festoient les membres d’une secte New Age… Comme l’Occident pris dans les affres d’une histoire subie plutôt que choisie, la pièce passe donc des derniers sursauts industriels et polluants du XXème siècle aux agitations druidiques des adorateurs d’une nature idéalisée, en passant par les rituels dansés d’un groupe de voguing (mouvement initié par la jeunesse afro-américaine queer des années 1980 aux Etats-Unis). Son texte aurait mérité d’être un peu moins pontifiant et de véritablement se tenir à distance des clichés intellectuels qu’il prétend éviter.
Une performance visuelle et musicale
Malgré ce travers, qui fait qu’on en vient bientôt à davantage regarder le spectacle qu’on ne l’écoute, sa réalisation esthétique est magnifique. Les costumes de Yaël Marcuse et Valentin Dorogi, la scénographie d’Hervé Cherblanc, les lumières de Sébastien Lemarchand, la création sonore de Rémi Billardon et Lucas Lelièvre, la musique originale d’Antoine Boulé et l’interprétation inspirée de Daphné Biiga Nwanak, Thomas Gonzalez, Keiona Mitchell, Julien Moreau, Snake Ninja, Romain Pageard, Luc Delahaye et les danseurs du Nickel Bar sont d’une exceptionnelle qualité. Les différents espaces de jeu, les images projetées, les plans successifs accueillent performances et comédie avec un rare sens de l’harmonie et de l’équilibre. L’ensemble compose un spectacle puissamment original et parfaitement maîtrisé dont les trouvailles esthétiques sont souvent jubilatoires. Sorte d’œuvre d’art en mouvement, Nickel apparaît donc comme une performance visuelle et musicale très réussie, un peu desservie par le texte parfois prétentieusement vain qui l’accompagne, mais très intéressante en ses trouvailles plastiques et la poésie onirique de ses images.
Catherine Robert
Du mercredi au vendredi à 20h ; samedi à 18h ; relâche du dimanche au mardi. Tél. : 01 48 70 48 90. Puis les 26 et 27 mars au Domaine d’O, à Montpellier ; les 1er et 2 avril au Centre dramatique national Normandie-Rouen ; du 27 avril au 7 mai au TNS. Spectacle vu à la Comédie de Reims. Durée : 1h30.
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