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Le duo de portés dramatiques effeuille les [...]
Avignon / 2013 - Entretien Laurent Hatat
Le metteur en scène Laurent Hatat explore le théâtre du XVIIIème siècle avec Nanine de Voltaire. Un spectacle interprété par six jeunes actrices issues de l’EpsAd.
« Au XVIIIème siècle, en pleine invention du drame, Voltaire continue d’écrire avec des modèles du XVIIème siècle. Et alors qu’il est un auteur beaucoup joué, ceux qui l’admirent le plus comme philosophe lui construisent, au théâtre, une effroyable réputation d’homme du passé. Cette réputation perdure encore aujourd’hui. Et ce n’est pas faux, si l’on ne retient que la forme, si l’on fait l’impasse sur le contenu, bref, si on ne le lit pas. Si je souhaite aujourd’hui remettre ce grand auteur en relation avec la scène, c’est que je crois que mon univers théâtral peut s’emparer de cette forme ancienne pour en rendre la force des idées de manière éclatante. Avec Voltaire, Lessing et Beaumarchais, j’ai effectué une traversée du XVIIIème siècle : un siècle porteur d’un théâtre d’idées, d’un théâtre généreux, ambitieux, populaire.
Une comédie sensible qui aurait pu être un drame
Dans Nanine ou comment faire avec les filles pauvres quand elles sont belles, l’amour triomphe des différences de condition. Il s’agit, bien sûr, d’une comédie sensible. Mais si Voltaire avait osé, Nanine aurait pu être un drame. La violence des inégalités, l’injustice faite aux femmes, font aujourd’hui de cette pièce une œuvre très grinçante, que le relatif happy-end n’atténue pas. Si j’ai choisi de confier tous les rôles de cette création à des interprètes féminines, c’est pour mettre définitivement à distance l’effrayant complexe de Pygmalion que subit Nanine. On assiste ainsi à un véritable scanner du désir au masculin. La violence de l’expérience est à peine adoucie par la musique et le chant dont nous agrémentons notre spectacle. Notre Nanine semble venir d’Afrique du Nord. Cela corse la question du rapport entre le pouvoir et la différence. Mais ne nous trompons pas. La première minorité visible dont Nanine est la représentante, c’est celle des femmes. »
Propos recueillis pas Manuel Piolat Soleymat
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