L’Importance d’être sérieux
La comédie ludique d’Oscar Wilde - un jeu de [...]
Lisa Wurmser met en scène l’adaptation du roman d’Erri de Luca, Montedidio, dans un espace pris entre ciel et terre, qui sert de cadre à l’aventure initiatique du héros de ce conte poétique.
Dans les années 50, à Naples, le héros du roman d’Erri de Luca passe de l’enfance à l’âge adulte, entre plaisirs et cruautés. A la mort de sa mère, il découvre le chagrin inconsolable de son père, mais il trouve aussi l’amour dans les bras de Maria, la jeune voisine, qui lui offre ce que le propriétaire libidineux de l’immeuble essaie désespérément de lui acheter. Les premiers pantalons longs remplacent les culottes de l’enfance ; le travail prend la place de l’école, sous la double tutelle du menuisier Mast’Errico et du cordonnier Rafaniello, ange rescapé des camps de concentration, dont les ailes poussent doucement sous la bosse. Lorsque le gentil et généreux cordonnier, qui répare gratuitement les souliers des Napolitains les plus pauvres, aura terminé sa mue, il pourra rejoindre Jérusalem par les airs : sa transformation accompagne celle du jeune garçon, qui perd peu à peu sa voix et son corps d’enfant et se prépare lui aussi à s’envoler vers les cieux de la maturité.
La parabole du boomerang
Le père du héros, docker sur le port, offre à son fils un boomerang que lui a donné un marin de passage. Cet objet symbolise la croissance de l’enfant. Sur les terrasses de Montedidio, tout en haut de la ville, le héros s’entraîne à faire voler son cadeau d’anniversaire. En même temps que s’affermissent ses muscles, l’amour de Maria fait grandir son cœur et les leçons existentielles de Rafaniello aguerrissent son âme. François Lalande offre une belle authenticité au personnage du vieux cordonnier, entre la naïve tendresse d’une âme simple et la sublime conviction d’un séraphin en partance vers la terre du Livre. Jérémie Lippmann offre son corps musculeux et sa souple élégance au héros du roman, et campe avec crédibilité ce jeune homme s’arrachant à la chrysalide de l’enfance. Lisa Wurmser a adapté le roman d’Erri de Luca en faisant alterner le récit et l’interprétation. Jérémie Lippmann raconte l’histoire, à l’intérieur de tableaux successifs qui en incarnent les étapes principales. Paradoxalement, et c’est peut-être là une des limites du spectacle, c’est dans ces moments de récit que la poésie et la grâce de l’écriture du romancier italien apparaissent le mieux, comme si le texte résistait à l’imposition des images et préférait la sollicitation de l’imaginaire du spectateur. Reste que ce spectacle offre l’occasion d’un beau voyage dans l’univers onirique et symbolique de cet émouvant roman.
Catherine Robert
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