Monaco Dance Forum

Avant de s’envoler vers une nouvelle création en avril 2013, Jean-Christophe Maillot a confié les Ballets de Monte Carlo à deux chorégraphes venus du froid, mais dont l’empreinte sur les danseurs saura galvaniser les ardeurs de la troupe : la norvégienne Ina Christel Johannessen a su développer une danse extrêmement physique aux limites du théâtre et de l’expressivité, tandis que le jeune Alexander Ekman, venu de Suède, aime porter l’énergie de la danse dans la finesse de l’humour. Tous deux composent une soirée de créations, qui s’achève par une pièce signée en 1995 par Jean-Christophe Maillot. Véritable contrepoint aujourd’hui, Vers un Pays Sage était alors l’hommage d’un fils à un père disparu trop tôt, une façon pour deux artistes – l’un chorégraphe, l’autre peintre – d’unir leur mémoire dans un acte de création. Le chorégraphe donne également au Monaco Dance Forum, un an après sa création, son Lac : en ayant balayé d’un revers de manche certains passages de la partition de Tchaïkovski, on aurait pu croire à une simplification. Au contraire, il en profite pour creuser plus avant les liens familiaux qui unissent les protagonistes et qui ajoutent au drame une tension nouvelle. Au centre, le personnage de Rothbart n’est plus celui que l’on croit, et un nouvel éclairage sur sa personnalité fait entrevoir une lecture complexe et singulière du livret, faisant fi de nos certitudes.

Des temps de découverte et d’échange

A côté des grandes figures qui partagent l’affiche du festival – le retour du Tanztheater de Wuppertal avec une pièce de 1997, Le Laveur de Vitres, la venue de Maguy Marin dans ses magnifiques Salves d’où surgissent corps et objets dans des élans fous et libérateurs, ou les boîtes à malice des deux complices Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot – on note une attention particulière portée aux formats hors cadres. Dans le programme des Inattendus, des artistes (Rui Horta, Gaëtan Morlotti, Rosana Hribar et Gregor Lustek) jouent le jeu de la première partie de soirée en investissant des lieux impromptus, abordant la danse par le biais de l’acte performatif et de la proximité avec le public. C’est aussi l’occasion de suivre les jeunes danseurs de l’Académie Princesse Grace dans l’exercice de la création sous la houlette de leurs aînés des Ballets de Monte Carlo. Dans l’idée de la découverte d’un style ou d’une démarche, de nombreuses masterclasses sont quant à elles ouvertes au public, désireux par exemple de faire un tour du côté du langage « gaga », propre à Ohad Naharin, de se frotter aux principes de l’écoute chers à Maguy Marin ou d’essayer la danse africaine auprès de Georges Momboye. Les moins turbulents se réserveront pour la journée d’étude concoctée par les chercheurs du département danse de l’université de Nice – Sophia Antipolis, ou le colloque de scénologie autour de l’« objet scénique », qui intervient, animé ou inanimé, sur la scène de nombreux chorégraphes dans cette édition du Monaco Dance Forum.

Nathalie Yokel