Orchestre Titanic
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Le succès de Mon traître, créé par Emmanuel Meirieu en 2013 d’après deux romans de Sorj Chalandon, se poursuit. Le Théâtre du Rond-Point offre l’occasion de redécouvrir cette pièce d’une grande sobriété avec pour figure centrale le leader de l’IRA Denis Donaldson, assassiné en 2006.
Mon traître est votre première pièce qui relate un fait réel. Cela a-t-il influencé votre manière d’adapter et de rassembler Mon Traître (2008) et Retour à Killybegs (2011) de Sorj Chalandon ?
Emmanuel.Meirieu : Le rapport à l’auteur est en effet très différent lorsqu’on adapte un livre à forte teneur autobiographique. En acceptant de me donner toute liberté dans l’adaptation de ses deux romans, Sorj Chalandon m’a confié une partie de sa vie. Celle qui concerne ses relations avec Denis Donaldson, leader de l’IRA en Irlande du Nord avec qui il a entretenu une grande amitié jusqu’à ce que ce dernier révèle vendre des informations aux Anglais depuis 25 ans. Créer cette pièce m’a mis face à une double responsabilité, face à l’auteur et au peuple irlandais. Beaucoup plus que s’il s’était agi d’une pure fiction.
En quoi la guerre civile irlandaise, dont Sorj Chalandon a longtemps rendu compte dans Libération, peut-elle selon vous résonner chez un public français ?
E.M. : Les grands conflits parlent à tous les publics car il s’y loge de l’humain. C’est d’ailleurs ce qui m’intéresse le plus, avant les dimensions politiques et historiques, incontestables dans cette pièce. Plus précisément, c’est le deuil je cherche à exprimer. La séparation, et la manière dont nous enterrons nos morts. Je n’ai pas peur d’aller à l’émotion au théâtre. Je la revendique.
« Les grands conflits parlent à tous les publics. »
Vous faites du traître un martyr, ce qui n’est pas le cas dans les textes de Sorj Chalandon.
E.M : Je n’ai pas les mêmes rapports à Denis Donaldson que l’auteur, et je n’ai pas cherché à adopter son point de vue dans ma pièce. Comme Bobby Sands, célèbre nationaliste irlandais mort en 1981 suite à une grève de la faim, Denis Donaldson s’est sacrifié au service d’une cause, ce qui suffit pour moi à en faire un héros et un martyr. Sans aller jusque-là, Sorj Chalandon donne de nombreux éléments en faveur de cette lecture dans Retour à Killybegs. Donnant la parole à Tyrone Meehan alias Denis Donaldson, il raconte son passé d’enfant battu. Meurtri.
Mon traître est votre dernière création ; or elle remonte à presque trois ans. Cette attente entre deux spectacles est-elle habituelle pour vous ?
E.M : Je ne monte que des textes qui me touchent profondément, car je tourne en moyenne quatre ou cinq ans avec mes spectacles. Entre autres parce que je suis moi-même producteur de mes créations, et qu’il est toujours long de monter des projets. Je travaille en ce moment à une adaptation du second roman de Bruce Marchart, Des hommes en devenir, qui sera créée en mai au Théâtre Paris-Villette. Succession de portraits de cinq hommes hantés par des personnes disparues, cette pièce s’inscrira dans la continuité de Mon traître.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
21h, le dimanche à 15h30. Relâche les lundis et les 8 et 10 janvier. Tel : 01 44 95 98 21.
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