La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Mission

Mission - Critique sortie Théâtre Combs-la-Ville Scène nationale de Sénart

Reprise / Scène nationale de Sénart / De David Van Reybrouck / mes Raven Ruëll

Publié le 21 février 2014 - N° 218

Une puissante méditation sur l’engagement et l’humanisme dans un monde en proie à la violence et au matérialisme.

« Au début de sa vie d’adulte, on est jeune, on a des plans. C’est bien, il faut en faire. Mais peut-être que Notre Seigneur a des plans pour toi. » lui avait dit le Père Fernand. Grégoire avait alors à peine vingt ans, aimait la fête et sa fiancée. Mais la vocation l’appelait. Il a choisi. Missionnaire en Afrique. Le voilà parti au cœur du Congo, future République démocratique, parmi ceux qui n’ont rien ou si peu. Les années ont passé. Il raconte. La débrouille au quotidien pour soigner les douleurs, bricoler ici une route, là un fauteuil roulant, enseigner un peu de tout, réparer ce qui se peut, traverser monts et vallées en moto pour rencontrer les paroissiens éparpillés. Il raconte la magie de l’eucharistie sous un toit de fortune, quand la pluie déferle alentours, les confessions par lots de 300 personnes, les stratagèmes pour mettre ses ouailles au travail, les mœurs si différentes des communautés et les soirées perdues dans la brousse, sans eau ni électricité. Il raconte aussi les superstitions qui poussent parfois au crime collectif, la corruption sans vergogne des dirigeants, la succession des régimes et des pillages, les guerres, les viols, les atrocités, le déchaînement de barbarie dans les vertes collines d’Afrique. « Nous avons tout vu. Nous avons tant vu. Nous avons enterré des milliers de morts. ».

Eloge de la bonté

En un demi-siècle, Père Grégoire a vu un pays se désintégrer peu à peu, a vu l’Europe s’enfoncer dans le matérialisme, noyant la spiritualité dans des « bains à bubulles » et autres gadgets inutiles. Il dit tout cela sans l’onguent des euphémismes, mêlant bonhommie, ironie mordante et critique bien ciblée. Il livre ses questionnements, ses révoltes, la foi de son engagement et ses conséquences parfois violentes. « Un choix, ce n’est pas un seul moment, un basculement après lequel tout est clair et facile. Cela ne devient pas plus facile, et c’est même parfois très difficile. Mais on a un fil conducteur. ». Loin des débats sur la repentance ou les bienfaits de la colonisation, Mission montre la complexité du terrain. Ecrivain, archéologue et philosophe de formation, David Van Reybrouck a écrit ce monologue bouleversant à partir des témoignages d’une quinzaine de missionnaires de divers ordres catholiques vivant dans le Congo de l’Est. C’est Bruno Van den Broecke, formidable acteur, qui porte leurs mots, avec force, délicatesse et drôlerie. Comme un éloge de l’humanisme et de la patience. Car « Missionner, c’est avoir la patience de laisser l’autre suivre son propre chemin. ».

Gwénola David

A propos de l'événement

Mission
du mardi 25 mars 2014 au vendredi 28 mars 2014
Scène nationale de Sénart
Rue Jean François Millet, 77380 Combs-la-Ville, France

les 25 et 28 mars à 20h30, les 26 et 27 à 19h30. Tél : 01 60 34 53 60. Dans le cadre du Festival Europa Europa.

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