Protée
Reprise/Théâtre de la Tempête / De Claudel / mes Philippe Adrien
Publié le 21 février 2014 - N° 218Une joyeuse satire, portée avec malice par des acteurs en verve, Eléonore Joncquez en tête !
« Je crains un peu de vous montrer Protée. C’est une bouffonnerie énorme et vous êtes si sérieux. » écrivait Claudel à son ami, le compositeur Darius Milhaud, en septembre 1913, entre la création de L’Annonce faite à Marie et la traduction de la trilogie d’Eschyle. Quelle pétillante pochade en effet ! Tirant les fils de la mythologie, le poète délasse sa plume et brode en liberté sur L’Odyssée d’Homère et l’Hélène d’Euripide pour composer une farce lyrique qui pique à gros points la vanité des hommes, la futilité des femmes et leur commune humeur volage. Nous voici donc sur l’île de Naxos où Protée règne en maître sur un troupeau de Satyres et de phoques passablement délurés. Demi-dieu missionné par Poséidon, il retient prisonnière la nymphe Brindosier, aussi cornue que facétieuse, qui, lasse de sa compagnie, cherche à s’enfuir. Tiens ! Voilà justement que Ménélas débarque d’un rafiot délabré. Le roi de Sparte, lessivé par deux ans de guerre de Troie et une belle Hélène murée dans sa légende et ses colifichets, se laisse abuser et échange sa pimbêche midinette contre Brindosier, précieuse plus rusée finalement que ridicule.
Farce mythologique
Poussé par l’amitié de Renée Nantet-Claudel, fille du poète, Philippe Adrien s’attaque de bon appétit à ce chef-d’œuvre méconnu. Le metteur en scène finit par convaincre et, quitte à forcer le trait, s’amuse avec cette pétulante sotie qu’il bricole à coups de gags, de marionnettes sataniques et d’effets empruntés aux « folies » de Méliès, dans un décor de patronage assumé. Surtout, les acteurs mordent à pleine dent cette langue ornée de réjouissantes bouclettes et d’envolées comiques qui frôleraient les plaisanteries de Khâgneux si elles n’étaient gorgées d’humour et d’audace. Eléonore Joncquez, pétillante Brindosier, se distingue, louvoyant habilement entre cabotinage et matoiserie, mais ses compagnons de farces et attrapes ne sont pas en reste et servent en bons potaches ce drame satirique qui célèbre au final le pouvoir fou des poètes…
Gwénola David
A propos de l'événement
Protéedu jeudi 13 mars 2014 au dimanche 13 avril 2014
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris
Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h15