La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Matin et soir

Matin et soir - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Matin et soir, Johannes fume sa dernière cigarette. CR : Théâtre de la Tempête

Théâtre de la Tempête / Jon Fosse / mes Jacques Lassalle

Publié le 25 septembre 2014 - N° 224

Comme matin et soir, la vie et la mort se tiennent la main. Matin et soir est l’adaptation d’un roman de Jon Fosse mise en scène par Jacques Lassalle de manière simple et élégante.

Le matin, c’est en 1900, quand naît Johannes. Déjà, l’ombre de la mort plane sur la vie puisque l’enfantement à cette époque n’est pas sans danger. Puis vient vite le soir, deuxième et majeure partie de cette pièce, qui donne à voir le dernier jour de Johannes, ou, pourrait-on dire, son premier jour vers l’au-delà. Nous sommes en 1980. Peter, son vieil ami déjà mort depuis longtemps, est revenu accompagner Johannes dans son passage vers l’inconnu – en barque, naturellement – pour l’aider « à se déshabituer de la vie », et parce qu’une fois mort, « il va bien falloir inventer quelque chose à faire ». En toile de fond de l’œuvre de Jon Fosse tout autant que de la scène : l’univers majestueux des fjords norvégiens propres à développer cette atmosphère fantastique si chère au dramaturge. Une action dans l’entre-deux ponctuée de menus événements, des dialogues simples et dépouillés, un registre qui oscille sans cesse entre le pittoresque du réel et son déraillement. Jacques Lassalle, dans son adaptation pour la scène, a respecté le style de Fosse et préservé son humour : Johannes, vieil homme simple et attachant, s’accroche à la vie ; il met du temps à comprendre ce qui lui est arrivé et l’action sur scène développe ainsi une tendre ironie.

«  Il n’y a pas de toi ni de moi là où nous allons  »

Peut-être tout cela est-il néanmoins un peu trop propre. L’interprétation la mesure et la nuance. Impeccable. Le décor et les costumes installent des teintes bleu-gris fort belles. Les déplacements sont pensés, pesés. La mise en scène se met au service du texte et se montre par moments. L’ensemble se construit dans la simplicité et l’élégance mais pêche par le rythme. En fin de compte, la vie donne dans la mort, en douceur, et la pièce pose un doux onguent sur les peurs, invite à sourire de ce qui fait tant de peine mais s’inscrit inexorablement dans le cours du temps qui glisse. Comme matin et soir, la vie et la mort se donnent la main. Pourquoi se révolter ? Johannes le comprend petit à petit, lui qui ne résiste pas vraiment puisque sa femme Erna est déjà partie. Du côté des vivants, Signe – la fille préférée –, pleure doucement son papa. Dans un art qui fait souvent de la mort un outil d’acmé dramatique, les textes de Jon Fosse vont à contre-courant puisqu’il n’y a pas ici plus ordinaire que la mort. « Il n’y a pas de toi ni de moi là où nous allons » conclut Peter, à l’intention de son ami. C’est presque une leçon d’ascèse, délivrée sans esprit moralisateur et avec le sourire.

Eric Demey

A propos de l'événement

Matin et soir
du jeudi 11 septembre 2014 au dimanche 12 octobre 2014
Théâtre de la Tempête
route du champ de manœuvre. 75012 Paris

Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h30. Tél : 01 43 28 36 36. Durée : 2h.

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