La Cucina dell’Arte
C’est le retour des frères Ronaldo dans leur [...]
Sylvain Creuzevault et les siens auscultent avec ironie les espoirs révolutionnaires et le mode de production capitaliste. Bouillonnant et décapant… Moins percutant que Notre terreur mais à voir !
Que ce soit dans Le Père Tralalère, qui dissèque au scalpel le terrain miné d’un repas de famille, dans Notre terreur, excellente pièce qui interroge la période de la Terreur (1793-1794) et les affrontements du Comité de Salut Public, ou dans Le Capital et son Singe, inspiré par le monumental Capital de Marx, Sylvain Creuzevault et son équipe installent les spectateurs sur des gradins de chaque côté de longues tablées où on mange et on boit, et où surtout on joue, et on tente d’aller au-delà des façades et des masques, pour faire surgir quelques vérités – qu’il s’agisse de celles du réel ou de celles du rêve ! Pour débusquer aussi quelques illusions, et moquer de pauvres sujets empêtrés dans une farce sans héros. Nourri d’un travail d’improvisation autant que de pensée, la troupe empoigne l’Histoire à bras le corps pour créer un théâtre total, audacieux et fougueux, palpitant et vivant. La scène inaugurale, grandiose et hilarante, convoque à travers le jeu de l’acteur Arthur Igual Freud, Brecht et Foucault, et ce jeu s’appuie sur des boîtes gigognes pour métaphoriser son propos. L’écriture suit un mouvement de répétition, d’évidement, et de ricochets. A cette écriture érudite qui procède en cercles concentriques, font écho le mouvement et les ratages de l’Histoire.
Energie et mouvement
Ce qui intéresse ici, c’est l’humour décapant des échanges, l’ironie mordante de l’histoire, les résonnances avec notre époque, et les fulgurances saisissantes des propos. Le foisonnement et le télescopage des références et des personnages, l’absence de linéarité rendent par contre l’ensemble plus bavard et plus inégal que Notre terreur. La pièce investit deux périodes historiques. D’abord et surtout le Paris de 1848, où l’insurrection a contraint Louis-Philippe à abdiquer et où fut proclamée la IIème République en février. Quelques mois plus tard, du joli monde réfléchit à la construction d’un avenir meilleur. Le sombre Blanqui (qui préfère les haricots aux lentilles…), Raspail, Barbès, Louis Blanc, Daniel Borme, Lamartine, Engels… confrontent leurs projets et leurs modes d’action. Puis passage aussi dans le Berlin du début du XXème siècle, celui de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht. Marx est absent, mais son fantôme… et son travail sont là. Ainsi apparaissent lors de savoureux débats d’idées des sujets d’importance : la lutte des classes, la valeur d’échange et la valeur d’usage, le rôle de l’Etat, l’organisation du travail… L’énergie, le jeu et le mouvement de ce théâtre profondément vivant parviennent à captiver à défaut de vraiment éclairer. Et c’est un vrai plaisir !
Agnès Santi
Du 5 septembre au 12 octobre, le mardi à 19h30, du mercredi au samedi à 20h, dimanche à 15h. Tél. : 01 44 62 52 52. La Scène Watteau, Place du Théâtre, 94736 Nogent-sur-Marne. Les 5 et 6 novembre à 20h30. Tél. : 01 48 72 94 94. Dans le cadre du Festival d’Automne.
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