Les Fourberies de Scapin
La compagnie de L’Attrape Théâtre, dirigée [...]
Après Avignon cet été, Ivan Morane présente au Théâtre des Déchargeurs La Chute d’après Camus et Du Luxe et de l’impuissance de Jean-Luc Lagarce. Il met en scène et interprète l’admirable monologue de Camus et son jeu sobre et dépouillé en révèle toute la force de questionnement.
Dans un bar d’Amsterdam, le Mexico-City, Jean-Baptiste Clamence aborde un compatriote et bientôt se confie à lui, évoquant sa vie passée et les raisons d’une profonde culpabilité. Autrefois avocat parisien épris de bonnes causes et brillant dans les prétoires, il se décrit aujourd’hui comme « juge pénitent », instruisant son propre procès et celui d’une bourgeoisie aisée et égoïste occupée à s’aimer et se distraire. Un drame le taraude : celui d’une jeune fille qui s’est jetée dans la Seine, et qu’il n’a pas secourue. Le comédien endosse tous les rôles lors de ce monologue qui s’avère très théâtral : accusé, avocat de la défense, avocat de l’accusation, procureur… et il traverse toutes sortes d’états parfois contradictoires : sincère, manipulateur, ironique, cynique, profondément tourmenté. Cet admirable monologue porte en lui l’intensité d’un cri, la musicalité du beau langage et la gravité d’une poignante confession. Sans hystérie aucune, mais en toute subtilité et lucidité.
Force de questionnement
Pour l’incarner sur le plateau du théâtre, Ivan Morane s’appuie (comme l’auteur !) sur la puissance du langage, et sur la vérité du jeu d’acteur. Le flot de la parole est un voyage mental, un examen de vie minutieux et précis, un mouvement sinueux semé de cahots, une confession où se glissent des moments de suspension et de réflexion tels un miroir. Ivan Morane parvient à restituer toute la force de questionnement que ce texte sous-tend, et dépasse le cadre historique lié à l’existentialisme. Pas de représentation ou de transposition du réel, pas de vidéo, et pas d’éclats inutiles, seul un fauteuil à transformation (devenant lit, chaise longue…) occupe l’espace, et le violoncelle de Silvia Lenzi accompagne le comédien. Malgré l’ancrage dans un contexte, c’est donc un questionnement intemporel qui se déploie avec force et acuité, simplicité et dépouillement. « Grâce au génie de Camus, le tribunal s’élargit à l’échelle du monde », souligne Ivan Morane. Et grâce au talent de passeur du metteur en scène et comédien, il nous touche et met en perspective la dualité humaine, potentiellement tragique.
Agnès Santi
du mardi au samedi à 21h15. Durée : 1h15. A voir aussi Du Luxe et de l’impuissance de Jean-Luc Lagarce, du 2 octobre au 22 novembre, du jeudi au samedi à 18h. Tél : 01 42 36 00 50. Spectacle vu au Théâtre du Chêne Noir à Avignon.
La compagnie de L’Attrape Théâtre, dirigée [...]