Mathieu Touzé met en scène « Les Bonnes » de Jean Genet et interroge le monde d’aujourd’hui
Théâtre 14
Publié le 18 février 2024 - N° 318Au Théâtre 14, Mathieu Touzé met en scène Les Bonnes de Jean Genet avec Yuming Hey dans le rôle de Madame, Elizabeth Mazev dans le rôle de Solange, Stéphanie Pasquet dans le rôle de Claire. Un spectacle qui interroge la question de l’identité et les relations de domination.
Quel sens donnez-vous à votre envie de mettre en scène Les Bonnes ?
Mathieu Touzé : D’abord, il faut préciser qu’après avoir beaucoup travaillé sur des textes contemporains, y compris des romans, j’ai eu envie de revenir à une œuvre du répertoire. Après toutes les crises que le théâtre vient de traverser — le Covid, la crise des publics qui a suivi, la relégation des arts de la scène au non essentiel… — j’ai ressenti le besoin de me poser des questions sur le théâtre en soi. Pour cela, j’ai choisi Les Bonnes, notamment parce que Jean Genet est l’un des premiers auteurs de théâtre à révéler une vision du monde permettant de sortir des archétypes de la société patriarcale. Je trouve très intéressant d’interroger le monde d’aujourd’hui à travers ce prisme-là.
Avez-vous l’impression que les mêmes choses se jouent aujourd’hui, dans cette pièce, qu’en 1947, année de sa création par Louis Jouvet ?
M.T.: Oui et non… Oui, car les relations de domination sont toujours là. De même que la violence que suscitent les aspirations intimes contrariées, très présentes dans Les Bonnes. Il ne s’agit pas vraiment d’une pièce sur la domination sociale, car on n’est même pas sûr que Madame existe. C’est plutôt une pièce sur la façon dont on peut voir cette possible domination, la façon dont on peut la vivre, la façon dont elle peut rendre fou. D’un autre côté, beaucoup de choses ont changé depuis 1947. Par exemple, la vision du théâtre. Cette œuvre cherche une nouvelle manière de faire du théâtre. La société a évolué, mais parce qu’il s’agit d’une grande pièce, Les Bonnes continue à éclairer et questionner le monde dans lequel nous vivons.
« Parce qu’il s’agit d’une grande pièce, Les Bonnes continue à éclairer et questionner le monde dans lequel nous vivons. »
Quelles relations se tissent, pour vous, entre Madame, Solange et Claire ?
M.T.: Des relations qui sont déterminées par l’enfermement que vivent Solange et Claire, par les limites qui sont les leurs, par les murs auxquels elles doivent faire face, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Toutes ces contraintes créent des névroses et provoquent des dysfonctionnements, des attitudes qui ne correspondent pas à ce que la société attend d’elles. Ces deux bonnes ont toutes les raisons de péter les plombs…
À travers votre mise en scène, vous souhaitez interroger les questions de l’identité et du genre…
M.T.: La question de l’identité est clairement présente dans le texte. Solange et Claire ne savent pas très bien qui elles sont. Elles se réinventent des identités diluées. Sont-elles sœurs, sont-elles la même personne, ont-elles un passé, ont-elles un avenir… ? On ne sait jamais vraiment. Quant à la question du genre, elle passe beaucoup par le travestissement, qui ouvre la voie aux mouvements qui plus tard s’empareront des artifices féminins pour affirmer de nouvelles façons d’être, de vivre, comme les drag queens, par exemple.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Les Bonnesdu mardi 27 février 2024 au jeudi 21 mars 2024
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris
Le mardi, le mercredi et le vendredi à̀ 20h, le jeudi à 19h, le samedi à 16h. Durée de la représentation : 1h15. Tél. : 01 45 45 49 77. www.theatre14.fr.
Egalement du 9 au 12 avril 2024 au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, du 14 au 16 mai au Théâtre de la Manufacture - CDN Nancy Lorraine, le 30 mai à la Maison de la Culture de Nevers.