Nuits blanches
Une échappée mentale en quête de vérité et de [...]
S’inspirant des travaux du musicologue Peter Szendy, Mathieu Bauer traque, au cœur d’un studio d’enregistrement, les musiques et les bruits qui nous hantent et composent la bande son de nos vies.
« Je veux que du paysage sonore naisse une réflexion. »
Comment avez-vous eu l’idée de The Haunting Melody (La Mélodie fantôme) ?
Mathieu Bauer : Tout est parti d’un de mes livres de chevet, Tubes, La Philosophie dans le juke-box, du musicologue Peter Szendy : un petit délice ! Szendy y analyse la manière dont les tubes nous hantent et nous renvoient à l’intime de notre histoire. J’ai lu ses autres bouquins. Il y explore une notion peu abordée : celle de l’écoute, souvent assimilée à une passivité, du fait que les oreilles sont dépourvues de paupières. Peut-on partager une écoute ? Peut-on passer du temps à ne faire rien d’autre qu’écouter de la musique ? Szendy est un promeneur, un butineur. Il nous a amenés sur le territoire du cinéma. Comme j’avais revu La Nuit des morts-vivants et que j’ai une tendresse pour ces personnages de zombies, j’ai eu l’idée du cadre de cette digression sur l’écoute.
Comment avez-vous composé le spectacle ?
M. B. : A partir de ce matériau, il s’est agi d’imaginer comment s’y promener. J’ai inventé un contexte pour emprunter toutes ces routes : six personnages sont réunis pour réenregistrer la bande son de La Nuit des morts-vivants. L’idée est de partir de la partition sonore (sons bruts, musique, tubes) pour convoquer quelques textes. La liberté d’écoute n’est pas du même ordre que la liberté de paroles : il y a aujourd’hui un appauvrissement de l’écoute, qu’a construit la dictature du sirupeux. L’intérêt du film d’horreur, c’est qu’il offre des contrastes sonores très forts, notamment entre le silence absolu des personnages avant le drame, et les hurlements gore une fois la crise ouverte. Il s’agissait d’un terrain de jeu idéal pour expérimenter le rapport à la bande son.
Que se passe-t-il sur scène ?
M. B. : L’enregistrement de la bande sonore est le prétexte pour mettre ces personnages en scène, de six heures du matin à tard dans la nuit. Chaque personnage incarne un archétype d’écoute. Deux acteurs, un compositeur, un ingénieur du son, un réalisateur acariâtre – le Robert Bresson du film d’horreur –, une chanteuse. On évolue avec eux pendant toute cette journée, et on navigue dans leurs relations un peu compliquées. Evidemment il y a une histoire d’amour, mais aussi des tensions et le spectacle en direct de toutes leurs névroses. Mais surtout, on découvre la dimension intime du rapport qu’ils entretiennent avec la bande son de leur vie. J’ai fait le pari de me passer des images. Je n’avais pas du tout envie qu’elles viennent brouiller l’écoute. Ainsi, l’évocation du film se fera à partir de la bande son. J’avais surtout envie de proposer aux spectateurs une plongée dans des dispositifs d’écoute différents et de redonner les outils intellectuels pour que ce qui nous parvient nous déplace. Je ne viens pas illustrer un texte par la musique mais je veux que du paysage sonore naisse une réflexion. D’un lied de Mahler à une chanson populaire, tout cela va nous prendre par la main – ou plutôt nous tirer par l’oreille – pour avancer dans le spectacle.
Propos recueillis par Catherine Robert
Lundi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; mardi et jeudi à 19h30 ; relâche les 25 et 28 janvier, 1er et 8 février. Tél. : 01 48 70 48 90.
Une échappée mentale en quête de vérité et de [...]