La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Mary Stuart

Mary Stuart - Critique sortie Théâtre
Crédit : Frédéric Iovino Légende : « Confrontation royale entre Elizabeth et Mary Stuart »

Publié le 10 janvier 2011 - N° 184

Gloire en majesté pour le match romantique de Schiller sur la scène de Stuart Seide. Deux reines s’affrontent dans l’art équivoque de séduire et de régner.

Dans les magazines kitch ou tendance, la reine est devenue princesse d’opérette et de conte romanesque, une marionnette Barbie animée par les fastes que provoquent les héritages et les alliances de prestige. Par bonheur, le théâtre d’art s’attache à une vision autre du pouvoir à travers Mary Stuart (1801) du dramaturge allemand Friedrich Schiller que monte Stuart Seide. La tragédie porte sur la figure royale de Mary Stuart, Reine d’Écosse de 1542 à 1567, emprisonnée plus de vingt ans par Elizabeth 1ère d’Angleterre. La seconde ne veut pas que la première accède au trône et la fait décapiter en 1587. L’icône romantique de sa Majesté Royale dessine une hydre énigmatique à deux têtes. Mary Stuart est une réplique inversée de sa rivale Elizabeth. L’une est catholique et francophile, l’autre est protestante et hait le pays de Montaigne. Selon les préjugés et les fantasmes, la beauté lumineuse de Mary ferait d’elle une débauchée et une calculatrice manipulant les hommes tandis qu’Elizabeth, « reine vierge » et redoutée, incarnerait par contraste une image de froideur et de puritanisme, amoureuse et jalouse. Si Elizabeth semble libre en son palais, Mary dans sa geôle éprouve l’humiliation. La douleur de l’enfermement les contraint toutes deux, soumises à la loi de la politique et de l’opinion publique.
 
Sous les hauteurs d’un ciel mélancolique
 
Exercer le pouvoir, c’est aussi le subir et être jugé pour ce qu’on semble être et non pour ce qu’on est. Mary, proche de la mort, dépouillée de ses mensonges, se retrouve enfin. Interprétée par Marie Vialle, la jeune reine bannie est accessible aux attendrissements, elle a de l’âme et éprouve l’enthousiasme du beau comme l’aspiration au vrai. La scénographie splendide de Philippe Marioge, pour la rencontre fictive des deux ennemies, offre au regard du spectateur un plateau recouvert de terre grenue sous les hauteurs d’un ciel mélancolique et tourmenté à la façon du paysagiste allemand Friedrich. Nuages, tempêtes et obscurcissements du firmament, Mary se tient, dos au public, face à ses geôliers et face au ciel, figure religieuse qui considère son existence comme une préparation à la vie éternelle. Elizabeth – par Cécile Garcia-Fogel – rayonne intérieurement de puissance et de doute : la qualité de sa présence et de sa voix feutrée irradie les tensions du trône. À côté de ces égéries d’exception, les personnages masculins apportent du panache : style, raison ou bien foi, règles d’existence et don de soi. Citons-les : Sébastien Amblard, Pierre Barrat, Éric Castex, Bernard Ferreira, Jonathan Heckel, Julien Roy, Stanislas Stanic et Vincent Winterhalter et Caroline Mounier, attachée à Mary comme à sa raison de vivre. Le ring royal d’une guerre farouchement romantique.
 
Véronique Hotte


Mary Stuart de Friedrich Schiller, traduction de Eberhard Spreng et Stuart Seide ; mise en scène de Stuart Seide. Du 12 au 28 janvier 2011 au Théâtre National de Strasbourg. Réservations : 03 88 24 88 24. Spectacle vu au Théâtre du Nord à Lille.

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