La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Madame Raymonde revient!

Madame Raymonde revient! - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Madame Raymonde, le gosier le plus impressionnant du music-hall !

Publié le 10 janvier 2008

Popotin et turban de rombière, drôlerie des harengères vipérines et génie du populo effronté, Madame Raymonde a le talent des grandes tragédiennes de la rue. Un retour à ne pas rater !

Madame Raymonde, vieille carne insolente au sourire de grisette, chante le peuple abreuvé au rouquin, l’amour à l’odeur de violette et la fierté canaille des filles que la vie conduit du trottoir au ruisseau. Ce personnage haut en couleurs doit son nom à la « gueule d’atmosphère » du canal Saint-Martin interprétée par Arletty. Elle a hérité de la gouaille de la putain stylée d’Hôtel du Nord et du sens de la répartie propre à celles qui portaient le matricule du trottoir comme une particule et la morgue des défaites comme une rosette patricienne. Grande dame du petit monde, Madame Raymonde retourne des torgnoles à l’existence avec un aplomb désopilant et un humour qui a tout de la politesse du désespoir ! Perlouzes en sautoir, lèvres rouge baiser, cils voluptueux et dégaine de la Fréhel des dernières années, Madame Raymonde arpente la scène avec l’assurance narquoise et bouleversante des gagneuses sur le retour.
 
Un tour de chant caustique et truculent
 
Denis d’Arcangelo disparaît sous son travestissement et fait de Raymonde une héroïne autonome, qui réussit à effacer les conditions loufoques de sa naissance à la scène et assume à elle seule le succès de sa prestation. Le comédien, génial d’inventivité et de pittoresque, ne se contente pas d’un pastiche des grandes figures féminines de la chanson réaliste mais donne naissance à un personnage à part entière qui prend de l’épaisseur au fur et à mesure des rengaines choisies pour composer son programme et des tranches d’existence saignantes qui le rythment. Accompagnée à l’accordéon par son « Zèbre » sur lequel la diva veille d’un œil caressant, la Raymonde fait preuve d’un abattage redoutable et alterne avec efficacité l’humour et la tendresse, la colère et la plainte, portant l’évitement du pathos jusqu’au tragique incandescent. Hommage est rendu à tous les élixirs de l’indigence, du tabac (remarquable interprétation de la chanson Du Gris, de Bénech et Dumont) au vin, auquel la diablesse carbure avec une résistance qui force le respect ! Le plus drôle (excellente mise en scène et en voix du Gardien de phare, de Moreau et Stalin) côtoie le plus déchirant (Dans le Sac à main de la putain, de Leprest et Didier) ; le jeu avec le public est constant et la présentation des textes fait de ce petit bijou théâtral plus encore qu’un simple tour de chant. Madame Raymonde hausse la roture jusqu’à la noblesse : seuls les artistes distingués sont capables de ce miracle-là !
 
Catherine Robert


Madame Raymonde revient !, spectacle interprété par Denis d’Arcangelo. Du 31 janvier au 2 mars 2008. Du mercredi au samedi à 19h30 ; le dimanche à 15h. Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, 75020 Paris. Réservations au 01 43 66 01 13.

A propos de l'événement


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