Heures séculaires de et avec Laura de Lagillardaie et Olivier Brandicourt
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Avignon / 2019 - Entretien / Blandine Savetier
Rendez-vous avec le divin Ulysse au jardin Ceccano pour le feuilleton méridien interprété par des compagnons aux multiples voix et visages que dirige Blandine Savetier, capitaine de cette épopée méditerranéenne à suspense.
Pourquoi choisir L’Odyssée ?
Blandine Savetier : C’est une commande du festival d’Avignon, que j’ai volontiers faite mienne. Les odyssées sont le fil conducteur du festival cette année. Il était incontournable de revenir à l’origine, au monument d’Homère, texte fondateur qui fait partie de notre imaginaire commun. Pour l’adapter, je me suis concentrée sur les voyages d’Ulysse. Plus que l’histoire du retour d’Ulysse à Ithaque, L’Odyssée que je veux faire entendre est l’épopée du voyage, de la rencontre de l’autre, constitutive et initiatrice pour les humains. Le montage est important pour rendre compte de notre point de vue et, comme dans une série, ouvrir à la fin de chaque épisode sur un suspense, une question. Nous avons aussi cherché à rendre la poésie de ce texte, dans la très belle traduction de Philippe Jaccottet.
Qui est Ulysse ?
B.S. : Un être d’une extraordinaire multiplicité. Tour à tour chef militaire, soldat traumatisé par la guerre, roi, envahisseur agressif, sans-abri, poète, pirate, père et mari aimant, amant, athlète, fugitif, constructeur naval, tueur et héros de guerre, voleur et menteur, un être à l’esprit créatif aimant les prises de risque. Ulysse est tout cela parce qu’il doit toujours trouver un moyen de s’en sortir et ne recule devant rien. C’est sa plus grande qualité et sa part d’ombre. Il est héros et antihéros. L’égal des dieux, le plus grand des hommes, et le plus simple dans son dénuement. Cette complexité en fait un héros moderne, auquel nous pouvons nous identifier tout en nous interrogeant sur notre rapport au héros aujourd’hui.
Modernité et actualité de l’Odyssée, dites-vous : dans quelle mesure ?
B.S. : Dans L’Iliade, les héros sont archaïques et en prise avec des dieux déchaînés comme eux. Dans L’Odyssée, Ulysse traverse des îles mythiques pour revenir à la réalité. Il s’agit pour lui de redevenir humain dans sa petite Ithaque, d’atterrir après dix années de guerre à Troie. Cela lui prendra dix ans d’errance entre mythe et réalité, entre le divin et l’humain. C’est ce qui fait d’Ulysse ce héros-antihéros si proche de nous. La place des femmes aussi révèle une part de modernité. Contrairement à celles de L’Iliade, objets du désir masculin, les femmes de L’Odyssée ont du pouvoir et des désirs qu’elles expriment et mettent en œuvre.
Quel lien entretenez-vous avec cette épopée ?
B.S. : Plusieurs. Un lien culturel et affectif très fort me lie à la Méditerranée. De plus, je suis venue au théâtre avec Homère et les tragédies grecques, mais à chaque fois c’est une redécouverte. Qui se souvient que, dans l’Odyssée, le devin Tirésias prédit à Ulysse qu’après être revenu à Ithaque, avoir tué les prétendants, retrouvé les siens, il devra repartir en voyage ? Jusqu’à ce qu’il rencontre un peuple d’agriculteurs qui n’a jamais connu la mer et qui confondra sa rame avec une pelle à vanner. Le voyage comme expérience initiatique et la découverte de l’autre toujours recommencée : voilà qui me parle particulièrement.
Propos recueillis par Catherine Robert
à midi ; relâche les 7 et 14 juillet. Durée : 1h. Tél. : 04 90 14 14 14.
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