Laëtitia Guédon crée « Même si le monde meurt », conte dystopique commandé à Laurent Gaudé, avec la troupe éphémère de l’AtelierCité
Avec la troupe éphémère de l’AtelierCité à [...]
Le spectacle créé, en 2018, par la metteuse en scène Lisa Guez et ses cinq comédiennes revient nous dire, au Théâtre de Belleville, ce à quoi des femmes rêvent et ce qui les entrave. Passant d’univers de contes à la violence extrême de drames contemporains, Les Femmes de Barbe Bleue nous entraîne, de la plus vivifiante des façons, dans une farandole d’existences étouffées.
On pense, de manière lointaine, mais persistante, à Virginia Woolf. À cette vigie du féminisme. On est rattrapé par son idée d’une chambre à soi, lieu personnel et salutaire, pièce d’intimité sanctuarisée au sein de laquelle chaque femme pourrait se réfugier pour s’individuer, pour s’affranchir des règles sociales et concrétiser ses aspirations profondes. D’une certaine façon, les cabinets privés décrits dans Les Femmes de Barbe Bleue (spectacle lauréat des prix du jury et des lycéens du Festival Impatience 2019) apparaissent comme des « anti-chambres à soi ». Des espaces pour les hommes, à l’entresol de leurs maisons. Des pièces funestes, secrètes et légitimées comme telles. Des endroits obscurs dans lesquels des individus assouvissent, en y entreposant les corps de femmes sous emprise qu’ils ont tuées, leur besoin de toute-puissance. La proposition écrite par la metteuse en scène Lisa Guez et les cinq talentueuses comédiennes qui ont travaillé avec elle (Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour, Jordane Soudre) n’est pas uniquement sombre. Ce kaléidoscope d’existences élaboré à partir d’improvisations, en s’inspirant de l’œuvre de Charles Perrault, navigue entre humour et gravité, entre univers de conte et réalisme contemporain, en entrelaçant cinq histoires de femmes confrontées à des prédateurs. Ces êtres néfastes ont des personnalités et des parcours différents. Mais ils ont tous pour points communs de s’appeler Barbe Bleue et d’assassiner, un jour, les femmes qui partagent leur quotidien.
Des femmes qui se serrent les coudes
On ne voit pas ces meurtriers. On les imagine, rendus à la vérité de qui ils sont, de ce qu’ils ont fait, par les fantômes de celles qu’ils ont anéanties. Anéanties ? Finalement pas. Car Jordane, Nelly, Valentine, Anne et une femme anonyme reprennent la parole. Les unes grâce aux autres, en s’encourageant, en se serrant les coudes, elles disent, elles éclairent, elles rejouent ce qu’elles ont vécu, explorent les circonstances et les désirs inconscients qui ont rendu leur soumission plus que possible : probable. La complicité qui se noue entre ces épouses revenues d’où l’on ne revient normalement pas est puissante et belle. « Je ne suis pas curieuse, affirme l’une d’entre elles, je suis une aventurière ! ». Elles le sont toutes, à leur manière. Les voir se libérer de leur passé nous met parfois à genoux. Car l’humour qui nourrit le début de la représentation laisse la place, à certains moments, à la violence de situations difficiles à envisager. Puis une forme de sensibilité lumineuse reprend le dessus, servie par les mélodies d’Initials B.B., de Blue Moon, de Blue Velvet, par des vers éclatants de Fernando Pessoa. Au sein d’un espace nu, avec pour seuls points d’appui les chaises sur lesquelles elles s’assoient, ces figures de bravoure nous apprennent beaucoup de choses. Merci à elles. Et longue nouvelle vie.
Manuel Piolat Soleymat
Du mercredi au samedi à 21h15. Relâche le 8 mars. Durée : 1h25. Tél. : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com
Également le 8 mars 2025 au Théâtre de Maurepas.
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