La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Lilith

Lilith - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Les Déchargeurs
Fabrice Michel et Laetitia Rambert. © Lee Fou Messica pour le Pôle média

Théâtre les déchargeurs / de Laetitia Lambert / mes Lee Fou Messica

Publié le 27 mars 2018 - N° 264

L’autrice et comédienne Laetitia Lambert s’empare du mythe de Lilith pour décortiquer les rapports hommes-femmes. Un texte féministe, cru et sans concessions.

Une femme en colère, qui clame son envie de révolte. Un revolver qu’elle cache quand arrive son amant, un homme marié avec qui elle va partir en week-end pour la première fois. Dès le début, la conversation tourne mal. La femme reproche à l’homme sa lâcheté, surnomme son épouse « Cocue », appuie là où cela fait mal. Lui s’agace de ce besoin permanent de parler et de vouloir tout comprendre, et finit, excédé, par lui demander si elle a ses règles. S’ensuit alors, dans l’espace confiné d’une voiture qui file vers on ne sait quelle destination, un huis clos où tous deux se livrent à une longue joute verbale. Entre pointes d’humour et coups de massue, il y est question des rapports hommes/femmes, de la différence entre les genres, de la sexualité des uns et des autres, des siècles de domination, de l’éducation qui enjoint aux petits garçons d’être forts et aux femmes de ne pas trop jouir. Or jouir, c’est ce que veut Lilith, à la fois la première femme d’Adam qui refuse de se tenir sous lui pendant le coït, et le rôle-titre de la pièce de Laetitia Rambert, cette audacieuse rousse en perfecto jaune, jupe courte et bottes noires, qui ne veut rien tant qu’être libre.

Après l’affaire Weinstein, quel monde inventer ?

Alors que l’affaire Weinstein a libéré la parole de nombreuses femmes, la pièce trouve un écho particulièrement actuel. On sent pourtant que le texte, qui d’ailleurs lui est antérieur, n’est pas dicté par l’opportunisme mais par des interrogations qui travaillent depuis longtemps Laetitia Rambert, ce que confirme sa note d’intention : « Enfant, j’observais le jeu des adultes, femmes et hommes, avec la sensation qu’il y avait des rôles préétablis, préexistants même à tous les désirs et toutes les aspirations. (…) Aujourd’hui, ces questions ne sont ni résolues, ni simplifiées. Des avancées ont été faites certes, mais il n’en reste pas moins cette sensation tenace que les stéréotypes ont la peau dure. » Ces stéréotypes, elle s’attache à les démonter, au cours de ce « road movie électrique » où les désirs et les peurs sont mis à jour avec une crudité quasi-documentaire. La mise en scène sobre et astucieuse de Lee Fou Messica donne du relief aux mots du couple (excellent Fabrice Michel) et à la colère de Lilith (attachante Laetitia Rambert). Parmi la somme des répliques échangées, beaucoup troublent ou font mouche, mais le texte n’échappe pas lui-même parfois aux clichés, pour qui s’intéresse en tout cas au féminisme. Il reste qu’à la question centrale, « quel monde allons-nous inventer pour demain ? », Laetitia Rambert semble opter pour l’optimisme. On s’en réjouit d’autant plus que le revolver de la première scène ne le laissait pas présager.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Lilith
du mardi 13 mars 2018 au samedi 7 avril 2018
Théâtre Les Déchargeurs
3 rue des déchargeurs, 75001 Paris

du mardi au samedi à 19h30. Tél. : 01 42 36 00 50. Durée : 1h20.

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