Bégayer l’obscur de David Sire, écriture et mise en scène de Marina Tomé
David Sire, Marina Tomé et Fred Bouchain [...]
Angelica Liddell est de retour avec son théâtre tissé de rituel et d’absolu, dans un spectacle inspiré par Wagner (Liebestod, qui signifie littéralement “mort d’amour”, est le titre du finale de l’opéra Tristan et Isolde) et un célèbre torero espagnol, Juan Belmonte. Le sous-titre du spectacle se traduit en français par L’odeur du sang ne me quitte pas des yeux Juan Belmonte, Histoire(s) du théâtre III.
Qui est Juan Belmonte ?
Angelica Liddell : Né en 1892, Juan Belmonte est un matador sévillan, qui, avec son ami et rival Joselito, a donné naissance à ce qu’on appelle l’âge d’or de la tauromachie. Il est considéré comme le créateur de la corrida moderne qu’il voit comme rite spirituel. Bien qu’on n’ait plus beaucoup de photos d’eux, l’influence de ces deux toreros est légendaire. On dit de Belmonte qu’il a toujours eu peur du bonheur, qu’il a traîné toute sa vie la frustration de ne pas mourir dans l’arène. Il s’est finalement suicidé à l’âge de 72 ans dans sa ferme d’Utrera en se tirant une balle dans la tempe.
Pourquoi en faire le centre de votre spectacle ?
A.L. : L’une des grandes maximes de Belmonte était « Vous vous battez comme vous êtes », un axiome auquel je m’identifie absolument. Son approche tragique de la corrida, son hypersensibilité, son infinie tristesse, sa fragilité, cette manière de quitter son corps pour laisser faire les anges, tout cela m’a poussé à le placer au cœur même de cette pièce, qui est à la fois l’offrande d’une femme amoureuse et une ode au danger.
Que représente pour vous la corrida ?
A.L. : La corrida est liée au sacrifice. Elle me relie à l’antiquité, à la tragédie attique, à la catharsis. À travers la tauromachie s’expriment aussi mon monde intérieur, la nuit noire de l’âme dont parlait Saint Jean de la Croix, l’éternel silence des espaces infinis, celui de Pascal. Dans la tauromachie, l’amour, la beauté et la mort se rencontrent, et cette triade donne un sens esthétique à mon travail, c’est ma géométrie des passions. Le matador doit entrer dans cet état religieux que nécessite toute cérémonie pour atteindre les sommets du mysticisme. Je ne comprends pas le fait théâtral sans liturgie et sans transe. À mon avis, l’art du spectacle, c’est de se mettre en danger.
En quoi votre spectacle renvoie-t-il aussi au Tristan et Isolde de Wagner ?
A.L. : Belmonte établit une identité absolue entre l’amour et l’art. Il va même jusqu’à formuler une théorie sexuelle de la corrida où il fond ensemble Eros et Thanatos. Il dit qu’on ne tombe pas amoureux parce qu’on le veut, pas plus qu’on ne se bat parce qu’on le veut. Tel est l’esprit de Tristan et Isolde de Wagner. Et le point culminant de l’amour est la mort. Je pense que là où la vie et la mort cohabitent, c’est là que fleurit le visage de Dieu.
Propos recueillis et traduits par Eric Demey
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 44 85 40 40. Durée : 2h.
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