Les Optimistes
Théâtre du Soleil/Lauren Houda Hussein et Ido Shaked/Théâtre Majaz
Publié le 23 novembre 2012 - N° 204Les Optimistes ou l’histoire d’une utopie qui a mal tourné, par le théâtre Majâz, jeune troupe constituée d’artistes de divers horizons : Israël, Liban, Palestine, France…
Dans la salle de répétition du Théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine a pour habitude de recevoir et de soutenir de jeunes compagnies parfois venues de ces contrées du monde où l’actualité est brûlante (on se souvient par exemple des Afghans d’Aftaab pris sous son aile par Hélène Cixous). Même s’ils se sont rencontrés à l’école Lecoq, ceux-ci viennent d’Israël, du Liban, de la Palestine et de France. Ils forment le théâtre Majaz, une jeune troupe qui avait déjà représenté Croisades de Michel Azama en ce même lieu au début de l’été 2011. La problématique proche-orientale est donc au cœur de leur travail et, cette fois-ci, c’est à travers un texte qu’ils ont eux-mêmes écrit qu’ils s’en sont emparés. Les Optimistes raconte l’histoire, dont on se demande jusqu’au bout si elle est vraie, d’hommes et de femmes, arabes et juifs, qui s’inventent un moyen bien à eux de résister, à partir de 1948, date de constitution de l’Etat d’Israël, mais aussi du départ de milliers de palestiniens entre autres vers les camps du Liban et de Gaza. Déjà.
Fausses bonnes nouvelles
Contre quoi résistent-ils ? Contre le dévoiement des utopies. A celui-là, on avait fait miroiter « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » mais quelque temps après son installation à Jaffa, il reçoit une lettre de la famille qui habitait sa maison auparavant, et découvre que pour lui faire place nette, elle a été exilée dans un camp. Pour ne pas davantage désespérer ces réfugiés, il leur donne dans sa réponse de fausses bonnes nouvelles de la ville et embarque dans sa fiction au long cours un couple palestinien et un prêtre orthodoxe qui joue le rôle du messager. Ce n’est pas pour rien si Majaz, le nom de la troupe, signifie métaphore en arabe. Cette résistance par l’imaginaire du petit groupe œcuménique, où l’on compte entre autres un poète, figure fictionnelle de Mahmoud Darwich, cette résistance évoque bien entendu la capacité de l’art à faire naître un ailleurs, des utopies qui seules permettent de résister quand le réel est accablant. La thématique est connue, notamment chez Ariane Mnouchkine, et lorsque ce groupe se met à faire des films pour les camps libanais, on ne peut s’empêcher de penser aux Naufragés du fol espoir. Cependant, si elle s’inspire de ses aînés, la mise en scène était un peu appliquée, manquait de rythme et de folie ce soir de première, et le spectacle, aussi agréable et instructif fût-il, devrait encore gagner en maturité.
Eric Demey
A propos de l'événement
Les OptimistesThéâtre du Soleil
Théâtre du Soleil, Cartoucherie, route du Champ de manœuvre, 75012 Paris.
Jusqu’au 22 décembre, jeudi, vendredi et samedi à 20h30, samedi et dimanche à 14h. Tél : 01 43 74 24 08.