Les océanographes, conception Émilie Rousset et Louise Hémon
Conception Émilie Rousset et Louise Hémon
Publié le 20 août 2021 - N° 291Avec Les océanographes, la réalisatrice Louise Hémon et la metteure en scène Émilie Rousset poursuivent leurs explorations entre théâtre et cinéma documentaire. En marge de leur série « Rituels » consacrée aux rites contemporains, elles se plongent dans cette création en pleins fonds marins, auprès de leurs spécialistes.
Faite de courts films et d’une performance, votre série « Rituels » vous occupe depuis 2015. Pourquoi avoir décidé de créer hors de ce cadre ?
Louise Hémon : En travaillant sur notre film Rituel 3 – Le Baptême de mer, nous avons découvert le documentaire Racleurs d’océans d’Anita Conti (1899-1997), première femme à pénétrer en 1952 le monde des marins et à en témoigner. Nous avons été bouleversées par cette œuvre, où l’on voit la réalisatrice sur un chalutier en plein Atlantique, parmi une soixantaine d’hommes avec qui elle a passé six mois, et pour qui elle exprime à travers ses images une grande tendresse. Nous avons eu envie d’aller sur les traces de cette femme exceptionnelle dont le travail et la personnalité ont été invisibilisés.
Vous avez pour cela rassemblé différents types d’archives (écrites, sonores, filmiques). De quelle manière nourrissent-elles le théâtre, et réciproquement ?
Émilie Rousset : Comme dans notre série « Rituel », nous aimons mêler nos deux langages pour mieux les interroger. Porté par la comédienne Saadia Bentaïeb, qui incarne Anita Conti, et par Antonia Buresi qui porte la parole des océanographes contemporaines que nous avons rencontrées et enregistrées, le théâtre questionne ce que les images scientifiques produisent comme discours. Il permet aussi de créer un pont entre le présent et le passé.
« Le théâtre questionne ce que les images scientifiques produisent comme discours. »
Quels constats, quelles réalités ce parallèle entre passé et présent met-il en évidence ?
E.R : Le drame, c’est que depuis les années 1950 les choses n’ont pas vraiment changé. Les techniques océanographiques ont évolué, mais les scientifiques d’aujourd’hui nous alertent d’une catastrophe écologique qu’annonçait déjà Anita Conti, pionnière en la matière. Elle est restée une référence pour les océanographes actuelles, dont les constats sont peu médiatisés.
Vous travaillez aussi avec une joueuse d’ondes Martenot.
L.H. : Julia Normal, une des rares interprètes d’ondes Martenot dans le monde, est en effet au plateau avec les deux comédiennes. La musicalité nue de cet instrument rare crée un effet de mélopée et de distorsion du temps qui participe de notre écriture en cut-up, de notre glissement entre différents médiums. Nous aimons créer des frictions entre musique, jeu et images, et laisser apparentes les coutures, les marques de fabrication. L’ensemble s’inscrit dans une scénographie de Nadia Lauro, avec qui nous travaillons pour la première fois. Avec son univers plastique puissant, elle crée un univers visuel fort qui évoque la mer sans la représenter. Dans son paysage, poésie et documentaire se mêlent en une ligne claire qui nous permet de circuler comme sur la mer.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Les océanographes, conception Émilie Rousset et Louise Hémondu jeudi 30 septembre 2021 au samedi 9 octobre 2021
T2G - Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons, 92000 Gennevilliers.
Jeudi, vendredi et lundi à 20h, samedi à 18h et dimanche à 16h. Tel : 01 41 32 26 26.