La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Skylight de David Hare, mise en scène Claudia Stavisky

Skylight de David Hare, mise en scène Claudia Stavisky - Critique sortie Théâtre Lyon _Théâtre des Célestins
© Simon Gosselin

Théâtre des Célestins / David Hare / Claudia Stavisky

Publié le 17 septembre 2021 - N° 291

Né en 1947, David Hare est un auteur anglo-saxon à succès. Claudia Stavisky met en scène Skylight, une vibrante relation amoureuse incarnée par Marie Vialle et Patrick Catalifo.

Par une nuit glaciale, dans l’un des quartiers chauds de Londres, Tom se rend chez Kyra, une jeune femme qu’il a aimée. Y trouvera-t-il de quoi se réchauffer, malgré plusieurs années de froid ? Après une longue séparation, les anciens amants se retrouvent mais s’affrontent sur ce qui les unit et les sépare, sur le sens donné à leur existence. La cinquantaine glorieuse, cet homme d’affaires vient de vendre son entreprise cotée en bourse. Kyra, elle, enseigne dans une zone d’éducation prioritaire. Et puis, il y a Edward, le fils de Tom. Il a besoin de comprendre. Au-delà des cœurs déchirés, cette pièce écrite dans les années 1990 décrit les conséquences du néolibéralisme « à la Thatcher », sa cohorte d’injustices et d’inégalités. C’est sans conteste le plus intéressant, même si la pièce, de facture classique, ne « casse pas la baraque », quand d’autres auteurs contemporains ont su traduire le délitement social dans la chair de leurs mots, une langue diffractée, voire une construction heurtée. Chez David Hare, si quelques saillies font leur effet, la colère s’exprime surtout dans les ressentiments. Il veut toucher le public sans l’assommer. Il évite en tout cas le piège du dogmatisme par un habile enchevêtrement d’intime et de politique.

 

S’il suffisait qu’on s’aime !

 

Les sentiments peuvent-ils supplanter les divergences idéologiques ? À travers ces trahisons amoureuses, le sujet principal est de nature existentielle. Tom a réussi. Sur le plan professionnel, car le reste est un désastre. Kyra en bave mais s’épanouit dans son travail, elle se sent utile. Est-elle heureuse pour autant ? Quant à Edward, il cherche son chemin. Tout est possible puisqu’il se pose les bonnes questions. Reste à faire les choix judicieux. Les personnages s’aiment et se défient, tentent de se projeter mais s’empêtrent entre regrets, sentiments de culpabilité et tentatives de séduction. Pour éclairer cet avenir incertain, les lumières passent de l’éclat, propre au capitalisme triomphant, au clair-obscur, là où la misère se tapit. Quelques belles images viennent apporter de la respiration, mais trop peu, car le naturalisme plombe l’ensemble. Comme la réalité à laquelle sont confrontés les personnages. Ordinaires, ceux-ci sont attachants. C’est sans doute pourquoi ils nous touchent. Il fallait des acteurs avec de la bouteille pour exprimer les émotions sans tomber dans le piège de la surenchère. Ça picole, ça mange, ça s’active en cuisine, jusqu’à ce que chacun vide son sac, au propre et au figuré. Marie Vialle tire son épingle du jeu en affirmant peu à peu sa présence pour incarner une Amazone des temps modernes, avec ses convictions et ses failles. Quant à Patrick Catalifo, il déploie une belle palette, entre cynisme et sincérité. Claudia Stavisky a su les diriger avec doigté dans une mise en scène au cordeau.

 

Sarah Meneghello

A propos de l'événement

Skylight
du mercredi 15 septembre 2021 au dimanche 3 octobre 2021
_Théâtre des Célestins
4 rue Charles Dullin, 69002 Lyon.

Tél. : 04 72 77 40 00. https://www.theatredescelestins.com. Durée estimée : 1h50.

Puis au Théâtre de l’Archipel – Scène nationale de Perpignan les 26 et 27 mars 2022 et au Théâtre du Rond-Point à Paris, du 11 au 29 mai 2022.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre