Les Mystères de Paris
Théâtre de la tempête/ d’après Eugène Sue/ mes William Mesguich
Publié le 2 juin 2013 - N° 210
Avant Hugo et Zola, Eugène Sue fut l’un des premiers à plonger sa plume dans l’univers inquiétant du bas peuple de Paris. Une expérience plus romanesque que documentaire que William Mesguich transforme en objet théâtral.
Avec l’essor des journaux et de leurs fictions délivrées en feuilletons haletants, le dix-neuvième siècle a produit foison de romans-fleuves parmi lesquels Les Mystères de Paris a connu un succès populaire considérable. Ecrit par Eugène Sue, grand bourgeois qui s’aventura à découvrir sur la pointe des pieds cette plèbe qui effrayait tant les gens de sa classe, Les Mystères de Paris augurent du réalisme et du naturalisme qui domineront la fin du siècle, tout en étant porté par le souffle d’un romantisme aux teintes fantastiques qui conduit bien moins à la nuance qu’à la mise en place d’une narration mettant en scène un affrontement tranché entre les forces du bien et du mal. Publié à partir de 1842 dans Le Journal des Débats, ce roman a donc des accents hugoliens et zoliens avant l’heure, tant dans sa volonté de sensibiliser au sort de la classe laborieuse que par le déploiement d’une vision du peuple qui s’avère à la fois empathique et profondément fantasmatique.
Un théâtre énergique
De ces quelque mille trois cents pages, William Mesguich à la mise en scène et Charlotte Escamez à l’adaptation ont décidé de faire une partition théâtrale misant davantage sur le rocambolesque, la multiplication des péripéties, le charme de la gouaille populaire et l’outrance pittoresque des personnages que sur une relecture cherchant véritablement à délivrer une vision personnelle de l’œuvre d’Eugène Sue. On peut regretter ce parti pris qui laisse le champ libre à une pièce dont l’histoire est tortueuse, voire emberlificotée, et dont les invraisemblables rebondissements sont parfois difficiles à suivre. Subissant le récit proliférant, plus que ne s’en servant pour faire sens, la pièce suit donc le parcours de Rodolphe, héros aux caractéristiques presque christiques, qui consacre sa vie et sa fortune nobiliaire à révéler la populace à sa bonne nature profonde. Dans cette aventure pleine de coups de théâtre – format du feuilleton oblige -, le Chourineur, la Gouailleuse, le Maître d’école, Rigolette ou la Louve offrent une galerie de personnages pittoresques et l’œuvre monumentale d’Eugène Sue déroulée en deux heures quinze d’un théâtre énergique, dans une mise en scène plutôt bien agencée, se (re)découvre avec plaisir. L’entreprise de Sue et son romanesque outré y sont traités dans la perspective d’en exploiter la veine spectaculaire. Soit. Dans la durée, cette seule dimension peine toutefois à maintenir l’intérêt.
Eric Demey
A propos de l'événement
Les Mystères de Parisdu jeudi 16 mai 2013 au dimanche 16 juin 2013
Théâtre de la Tempête
route du Champ de manœuvre, 75012 Paris
Du 16 mai au 16 juin à 20h sauf dimanche à 16h. Relâche lundi. Tél : 01 43 28 36 36.