Corps diplomatique
Tandis que le triomphal Germinal est repris [...]
Thierry Falvisaner met en scène un texte inédit de Christian Siméon. La puissance de jeu des quatre comédiens offre une dimension haletante à la réécriture du mythe de Médée sur fond de Seconde Guerre mondiale.
Les eaux lourdes de la pièce de Christian Siméon n’ont rien à voir avec la bataille du même nom, sinon le risque de déflagration nucléaire et de dévastation totale qu’elles suggèrent. Les eaux ici évoquées sont celles du meurtre de l’enfant noyé par Mara et celles du Rhin, au fond duquel repose François, le camarade résistant trahi avec tous ceux du réseau Corinthe. Mara la sanglante, qui ressuscite l’antique Médée, hante la mémoire de Pierre qui, après le meurtre de son fils, a refait sa vie avec Alix, moderne Créuse. Jour après jour, Mara écrit à Pierre. Il déchire ses lettres sans les lire, jusqu’à celle adressée à François le disparu : Pierre ouvre enfin la missive empoisonnée qui va achever la tragédie. Christian Siméon réécrit l’histoire de la magicienne infanticide en la transposant dans les années 60, vingt ans après l’Occupation.
Magnifique Elisabeth Mazev
Comme toujours chez Siméon, la construction de l’intrigue est impeccable ; la langue, précieuse et volontiers lyrique, s’ancre avec une élégante aisance dans le réalisme des situations : le classicisme du vocabulaire, des périodes et du style construit le dialogue d’une histoire précisément documentée. Plateau nu et écran en fond de scène sur lequel apparaît le visage grimaçant et poignant de Mara : la seule puissance du jeu est sollicitée pour faire naître l’ambiance criminelle dans laquelle se débattent les protagonistes. On peut regretter que la petite salle du Paradis, au Théâtre du Lucernaire, rende parfois la tragédie étouffante : les comédiens sont trop en force dans cet espace exigu. Mais Christophe Vandevelde réussit une belle composition : son Pierre / Jason a tout de la violence contenue et de la force humiliée d’un guerrier bouillonnant devant céder à la ruse des femmes. Arnaud Aldigé et Julie Harnois convainquent dans les rôles de l’enfant autiste et de la seconde épouse jalouse du charisme de la première. Flamboyante entre tous, Elisabeth M,azev campe une magnifique Mara. La complexité psychologique de ce personnage, à la fois odieux et poignant est traitée avec une rare subtilité par la comédienne qui, dans ce spectacle, déploie un talent sidérant et solaire.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 19h. Tél. : Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h20.
Tandis que le triomphal Germinal est repris [...]