La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Démons d’après Dostoïevski, mise en scène de Guy Cassiers

Les Démons d’après Dostoïevski, mise en scène de Guy Cassiers - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
Hervé Pierre et Dominique Blanc © Christophe Raynaud Delage – coll. Comédie-Française

Comédie-Française / texte d’après Fiodor Dostoïevski / mise en scène Guy Cassiers

Publié le 27 septembre 2021 - N° 292

Une adaptation fine du chef-d’œuvre de Dostoïevski dans une mise en scène esthétiquement réussie mais dont l’excès de technologie dessert les excellents comédiens.

Pour la première fois, Les Démons de Dostoïevski entrent au répertoire de la Comédie-Française. Pas facile de monter ce roman choral, où l’abondance de personnages le dispute à celle des idées. Le metteur en scène Guy Cassiers a dû faire des choix, par exemple de couper un personnage cher à Albert Camus, Kirilov, analysé dans Le Mythe de Sisyphe. L’adaptation d’Erwin Mortier et la traduction de Marie Hooghe restituent avec limpidité les idées forces du roman : la confrontation entre ancien et nouveau monde, le nihilisme induit par une société qui ne sait plus en quoi croire, l’équilibre entre scènes politiques et scènes familiales. Tout dans la mise en scène de Guy Cassiers témoigne de sa formation aux Beaux-Arts : costumes, cadrage, composition, harmonie des couleurs, contrejours sont autant de signes d’une grande culture picturale parfaitement assimilée. L’intérêt de sa mise en scène est de fondre cette science dans les nouvelles technologies, notamment la vidéo, mais c’est aussi sa limite.

Alors que la technologie devrait servir l’acteur, ici c’est l’acteur qui la sert

A de nombreuses reprises, le spectateur croit que les personnages se parlent en se regardant dans les yeux car c’est ce que montrent trois panneaux vidéo installés au-dessus du plateau. En réalité, sur scène, les comédiens se tournent le dos et ne se touchent jamais. Si le spectateur les voit se toucher, c’est par un artifice : la présence de comédiens de l’Académie, habillés en noir, qui permettent les raccords à l’image. Voilà où le bât blesse. Alors que la technologie est censée servir l’acteur, ici c’est l’acteur qui la sert. Or non seulement cette technologie connaît des ratés (les raccords mal synchronisés, problèmes de cintres…), mais elle place les comédiens dans une position inconfortable tant elle leur demande de concentration autre que le jeu, sans que la justification dramaturgique soit évidente. Il faut lire l’entretien de Guy Cassiers dans le programme de salle pour comprendre que son procédé « tend à rendre compte du passage progressif d’une illusion séduisante à l’anéantissement brutal d’un monde ». Cette construction, alléchante sur le papier, se révèle trop cérébrale et formelle sur le plateau, et nuit le plus souvent à l’émotion. Qui réapparaît, comme par hasard, dans la deuxième moitié du spectacle, quand enfin les acteurs jouent sur scène, sans vidéo ! Et comme ils sont bons ! qu’il s’agisse de Christophe Montenez, Stavroguine idéal, de Suliane Brahim, Maria tragique, de Stéphane Varupenne, émouvant Chatov, ou de l’excellent couple Dominique Blanc/ Hervé Pierre…

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Les Démons d'après Dostoïevski, mise en scène de Guy Cassiers
du mercredi 22 septembre 2021 au dimanche 16 janvier 2022
Comédie-Française
Place Colette, 75001 Paris

Tél. : 01 44 58 15 15. Durée : 2h30 sans entracte.

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