La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Autres

Les Autres - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l'Epée de bois
Philippe Duquesne, Nicole Max, Pierre Cuq, Stéphane Robles et Antony Cochin dans Les Autres. Crédit : Bohumil Kostohryz 

Théâtre de l’Épée de Bois / texte de Jean-Claude Grumberg / mes Jean-Louis Benoit

Publié le 24 novembre 2017 - N° 260

Jean-Louis Benoit réunit quatre pièces courtes de Jean-Claude Grumberg et offre un tableau habilement agencé du racisme ordinaire et du puits sans fond de la haine nourrie par la peur et la bêtise.

« Le type avec lequel on regarde le foot à la télé, celui qui vient vous aider à repeindre la cuisine le dimanche, parce que le week-end d’avant, c’est vous qui êtes allé l’aider à bricoler sa voiture. Venant d’un milieu ouvrier, cela symbolisait pour moi les relents de pastis, la pétanque, la connerie morne. » disait François Cavanna du personnage qu’il appelait « mon beauf » et auquel Cabu offrit un visage dans ses dessins dès 1965. A la même époque, Jean-Claude Grumberg écrivait Michu, Les Vacances, Rixe et La Vocation. Xénophobe et haineux, sûr de lui et de son droit, convaincu d’être chez lui là où le hasard l’a fait naître, et supérieur aux autres quand il va chez eux, le « beauf » qu’il croque a le verbe haut et la gâchette facile, rudoie sa femme et ses enfants et dégomme « bougnoules » et « ratons » quand ils sont à portée de pare-choc et de carabine. Sa chanson imbécile sert de musique de fond à tout le XXème siècle, et si certains l’entonnent aujourd’hui comme hier avec des accents moins graveleux, elle persiste toujours et mérite qu’on l’entende dans sa vérité brutale pour se garder de rejoindre son chœur prospère.

Les hoquets de la haine indigeste

Philippe Duquesne endosse avec un formidable talent le rôle de ce crétin ordinaire qui traverse les quatre pièces réunies comme autant de variations sur le thème du racisme. Le décor de Jean Haas ne force pas le trait de l’évocation populaire. On pourrait être dans n’importe quel milieu social : une fois réunis les intimes autour de la table familiale ou lorsque le secret du lit conjugal protège l’invective sincère, on est entre soi et on peut allègrement avouer que l’on déteste les autres, dont la seule présence est étouffante et odieuse. Si la première et la dernière de ces quatre pièces sont particulièrement efficaces, les deux morceaux intermédiaires – faute sans doute d’un rythme assez enlevé le soir de la première – sont moins convaincantes. Mais les comédiens gagneront d’évidence en fluidité au fur et à mesure qu’ils roderont cette partition stupéfiante et émétique. On voudrait que tout cela passe très vite : la vertu de ce spectacle est de nous forcer à écouter ce qu’on fait souvent semblant de ne pas entendre. Jean-Claude Grumberg le dit lui-même : « ces courtes satires sont encore, hélas, d’une actualité accablante. » Jean-Louis Benoit le déplore tout autant mais rappelle qu’on ne peut pas combattre le danger si on l’ignore.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Les Autres
du jeudi 23 novembre 2017 au dimanche 24 décembre 2017
Théâtre de l'Epée de bois
Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

Du jeudi au samedi à 20h30 ; samedi et dimanche à 16h. Tél. : 01 48 08 39 74. Durée : 1h30.

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