La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Léonard Matton adapte Face à Face d’Ingmar Bergman

Léonard Matton adapte Face à Face d’Ingmar Bergman - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DE L'ATELIER
FACE A FACE (photo by Pascal Victor/ArtComPress)

d’Ingmar Bergman/ traduction Lucie Albertini et Carl Gustaf Bjurström / adaptation et mes Léonard Matton

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

En adaptant le formidable film de Bergman, le metteur en scène Leonard Matton rencontre les grandes espérances que cette ambition pouvait soulever : vivre un moment de théâtre d’exception. 

La conception immersive que le metteur en scène Léonard Matton se fait du théâtre produit ses meilleurs effets avec cette adaptation du film d’Ingmar Bergman. La plongée sauvage de Jenny, médecin psychiatre, dans les abîmes de son inconscient pour refaire surface après un double trauma est un sujet qui se prête merveilleusement à une immersion cathartique d’une grande profondeur humaine, où les raisons de vivre luttent avec le désir d’en finir. Il y a d’ailleurs dans l’intention de l’auteur lui-même qui attendait de ses lecteurs – de ses spectateurs – qu’ils soient aussi ses « collaborateurs », comme le relève Léonard Matton, une aspiration que le metteur en scène s’attache à mettre en valeur. Ce troublant Face à face, exploration d’un cas limite, devient le nôtre par la magie de l’expérience dramatique, qui nous pousse hors de nos retranchements. En jouant avec le réel et le fantasmatique, floutant nos perceptions, brouillant notamment la perception temporelle, la mise en scène trouve les moyens d’atteindre ce qu’elle vise, soutenue par un dispositif scénique aussi subtil qu’efficace signé par Yves Collet.

Une distribution de haute volée

 Tout concourt à ravir le spectateur à lui-même. Mais, de ce rapt, les acteurs sont au premier chef les auteurs. Avec au premier plan Emmanuelle Bercot dans le rôle de Jenny. Sa justesse fait oublier sa performance. Le parcours éprouvant qui est le sien est sublimé par un pouvoir incantatoire qui emprunte à la veine tragique. Evelyne Istria, la grand-mère, (qui endosse également à l’instar des autres membres de la distribution plusieurs rôles), est parfaite. Egale à elle-même, dotée de cette superbe présence scénique qui est la sienne, son aisance confondante conforte cette impression de réalité qui entraîne le public encore plus loin, là où il est réticent à aller. Il faut également saluer l’excellence du jeu de Philippe Dormoy (Wankel, L’Homme, Erik, le Grand-père) comme celle de David Arribe (Thomas, Médecin 1) et les très belles prestations de Nathalie Kousnetsof, Thomas Gendronneau et Lola le Lann. La puissance de la tension dramatique, outre la maestria des acteurs et l’intelligence de la scénographie aussi clinique que dynamique, tient également à la partition musicale dont Jules Matton est l’auteur. Avec toutes ces qualités réunies, la pièce pourrait vraisemblablement gagner, en termes de rythme, à resserrer encore le propos. Une ambition déjà là, prête à s’actualiser au fil des représentations.

 

Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens

A propos de l'événement

Face à Face
du mercredi 16 janvier 2019 au dimanche 24 février 2019
THEATRE DE L'ATELIER
1, place Charles Dullin, 75 018 Paris.

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Tél : 01 46 06 49 24. Durée : 2h. Spectacle vu au théâtre des Plateaux Sauvages.

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