Iphigénie de Jean Racine par Chloé Dabert
Après avoir travaillé sur des textes [...]
Dans Le Grand Meaulnes (et nous l’avons été si peu), Nicolas Laurent part en quête de la fête perdue du célèbre roman d’Alain-Fournier. Et s’égare en chemin.
Sautant d’une plaque d’herbe synthétique à une autre, Paul-Émile Pêtre pénètre dans Le Grand Meaulnes comme on aborde une forêt touffue. Avec un mélange visible de curiosité, d’envie, et d’appréhension. Sous le regard de son metteur en scène Nicolas Laurent, installé en fond de scène à un pupitre-vigie, il décline son identité. Il est François Seurel, le narrateur du livre d’Alain-Fournier, et s’apprête à revenir sur un événement déterminant d’une enfance marquée par la maladie : l’arrivée, dans la propriété qu’habite le personnage avec ses parents instituteurs, d’un certain Augustin Meaulnes (Max Bouvard). Un garçon dont le mystère et le pouvoir de fascination culminent lorsque, après une disparition de trois jours, il revient avec un récit de fête et d’amour naissant qui sera la colonne vertébrale d’une longue amitié. Cette première partie du roman publié en 1913, la plus connue, est donc traitée dans Meaulnes (et nous l’avons été si peu) de manière assez classique. Dans une veine réaliste nuancée par des images de paysages brumeux et par les pédagogiques interventions du metteur en scène, drôles avant de virer à l’intempestif, qui annoncent la suite. Où, de ponctuelle, la mise en abyme devient centrale. Au point d’empêcher l’accès à la prose d’Alain-Fournier, dont l’hybride – roman initiatique, Le Grand Meaulnes est aussi le récit d’une aventure, une rêverie poétique, rurale… – est d’une modernité qu’a perçue le metteur en scène. Sans réussir à la restituer d’une manière convaincante.
À la recherche du Meaulnes perdu
« Comment blouses d’écoliers, carrioles et ombrelles peuvent-ils toucher des adolescents d’aujourd’hui ? ». Formulée par Nicolas Laurent dans sa note d’intention, cette interrogation augurait – du moins l’espérait-on – d’une pensée critique aiguisée. D’une quête, aussi, de ce qui peut faire théâtre dans ce livre on ne peut plus romanesque. Mises en scène en parallèle de passages du Grand Meaulnes, ces questions manquent hélas de la simplicité, du tremblement avec lesquels Paul-Émile Pêtre met ses qualités d’acteur au service de l’être délicat qu’est François Seurel. Tout en poussant les clichés liés à sa fonction – orgueil et manipulation – jusqu’à la caricature, Nicolas Laurent multiplie dans les deux dernières parties de son spectacle les emprunts à des langages populaires. Ceux de la télévision, du karaoké et de la chanson de variété, qu’il mêle avec ses trois interprètes – Camille Lopez incarne les différents protagonistes féminins du roman – en une enquête confuse sur les lieux qui ont inspiré l’auteur du roman. Se filmant par exemple sur les traces du « Domaine mystérieux », ou en train de sonder la place du Grand Meaulnes dans la culture collective sur une aire d’autoroute éponyme. Pauvre, l’écriture de ces passages contraste violemment avec la langue d’Alain-Fournier, à laquelle reviennent régulièrement les artistes. Mais sans pouvoir faire renaître le charme égaré.
Anaïs Heluin
Le 14 février à 19h30, le 15 à 20h30, le 16 à 19h. Tél : 01 30 86 77 79. www.theatre-sartrouville.com. Également le 16 mai à MA Scène nationale – Pays de Montbéliard. Spectacle vu au CDN Besançon Franche-Comté.
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