L’Effort d’être spectateur de Pierre Notte

Vêtu de noir, pieds nus puis en chaussures à talon, haut-de-forme sur la tête, gants de boxe rouges aux poings, regards et sourires facétieux au visage, Pierre Notte a tout d’une sorte de clown. Ou d’un Monsieur Loyal, gentiment railleur, qui orchestrerait un spectacle de cabaret dont il serait l’unique protagoniste. Il va parler, chanter en japonais, déclamer une tirade de Dom Juan accompagné d’une Passion de Jean-Sébastien Bach, citer des penseurs, jouer de l’harmonica et faire du hula hoop… Lui se présente comme un conférencier. Il introduit son propos au plus proche de nous, au cœur même de la salle, explique l’idée d’un exposé drolatique visant à décrypter les usages, les attentes, les conditionnements, les contrariétés, les enthousiasmes des spectatrices et spectateurs de théâtre. L’exercice durera un peu plus d’une heure et touchera à l’excellence. Il faut dire que l’auteur et metteur en scène a pour lui une solide connaissance de l’art dramatique (artiste associé depuis 2009 au Théâtre du Rond-Point, Pierre Notte a notamment été, avant cela, critique théâtral et secrétaire général de la Comédie-Française).

Une belle densité d’écriture

Il bénéficie également d’une plume inspirée qui fait de L’Effort d’être spectateur, plus qu’un simple exercice d’adresse orale, un texte précis, profond, révélant une belle densité d’écriture. Entre moments d’improvisations, jeux de questions/réponses avec le public et analyses passant par de foisonnantes accumulations de mots, de noms, d’idées, Pierre Notte éclaire les notions d’imaginaire au théâtre, d’artifice et de réalité, d’échec et de réussite, de nu et d’obscénité, d’ennui, d’inconfort, de sens et de nécessité… Pour cela, il convoque de nombreuses anecdotes tirées de sa propre expérience de spectateur, mais fait également référence aux écrits de Gilles Deleuze, de Bernard Dort, d’Alain Badiou, de Jean Genet, d’Anton Tchekhov ou encore d’Antonin Artaud. Pourtant, il nous prévient malicieusement : ce n’est pas parce qu’il cite ces auteurs, qu’il les a lus ! Pierre Notte met à la portée du plus grand nombre les arcanes du théâtre. Sans jamais se hausser du col, il fait de l’humour le meilleur allié de l’intelligence.

Manuel Piolat Soleymat