L’Assemblée des rêves de Lancelot Hamelin, mis en scène par Duncan Evennou
Construite à partir d'une large collecte de [...]
Charles Berling réussit une mise en scène haletante de l’adaptation théâtrale du film de Godard, portée par des comédiens protéiformes qui font résonner de nos jours le destin de Nana, qui veut « vivre sa vie ».
Pauline Cheviller est Nana. Hélène Alexandridis, Sébastien Depommier et Grégoire Léauté incarnent, à ses côtés, tous les personnages de sa courte vie, qui oscille entre drame ordinaire et tragédie palpitante. Comme sa lointaine homonyme chez Zola, ou comme sa sœur de Roses à crédit, Nana est une petite bonne femme aux rêves un peu trop grands pour elle, qui joue de ses appâts en s’étonnant qu’on les considère davantage que sa soif de réussir. Nana devient le jouet du désir des autres alors qu’elle n’a de cesse de vouloir imposer le sien. Incandescente comme Antigone ou fangeuse comme une fleur de trottoir, Nana est surtout comme toutes les femmes qui continuent d’être considérées comme des objets plutôt que des sujets de jouissance, malgré les progrès de l’émancipation et les dénonciations continues de l’objectivation qui réduit le deuxième sexe à n’être que de la viande de second genre. En actualisant le film de Godard, Charles Berling a le mérite de rappeler que rien n’est gagné tant que les dominées ne parviennent pas à pouvoir affirmer l’autonomie de leur volonté.
Un spectacle intelligemment féministe
Reste qu’il faut réussir à suggérer cela sans tomber dans le pensum théorique et démonstratif. La première et riche idée de ce spectacle est de mêler les genres, faisant jouer indifféremment rôles féminins et masculins à Sébastien Depommier (le journaliste ou Yvette), Grégoire Léauté (une caissière ou Luigi) et Hélène Alexandridis (vendeuse, mais aussi Paul ou Raoul, voire philosophe, à l’instar de Brice Parain dans le film original de Godard). Ce bouleversement des attributions habituelles, d’autant qu’il est soutenu par une mise en scène extrêmement dynamique qui rend la surprise haletante, a le mérite de ne pas cantonner le spectacle aux limites d’un féminisme caricatural. Quiconque veut vivre sa vie – fille ou garçon – doit apprendre à lutter contre les diktats du désir de l’autre ; qui s’engage dans les voies difficiles de l’expression artistique (où la séduction, comme désir du désir, est à l’œuvre), doit apprendre à dire non. Voilà ce que Nana ne sait pas faire, et voilà ce qui la perd. Pauline Cheviller, entièrement offerte, campe une Nana sacrificielle et bouleversante, prête à tout accepter, au risque d’en mourir. Charles Berling ne se contente pas, avec ce spectacle, d’adapter le film de Godard à la scène. Il propose une traversée du désir et une exploration des conditions de son affirmation dans le respect de soi-même et des autres qui illustre brillamment la nature de toute libération, y compris celle des femmes.
Catherine Robert
Tél. : 04 94 22 02 02. Site : www.chateauvallon.com Tournée en France jusqu’en décembre 2019. Spectacle vu au Théâtre des Halles, Avignon Off.
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