La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Écume des jours

L’Écume des jours - Critique sortie Théâtre
Légende : « L’amour éternel de Colin et Chloé dans L’Écume des jours. »

Publié le 10 novembre 2011 - N° 192

Avec Boris Vian, le rêve d’amour juvénile scintille de facéties et de bonheur de vivre dans la mise en scène pétillante et colorée de Béatrice de La Boulaye.

Au nouveau Théâtre de Belleville, Béatrice de La Boulaye met en scène L’Écume des jours de Boris Vian dans l’adaptation de Judith Davis avec un enthousiasme vif et décoiffant. Les acteurs – Blandine Bury, Hubert Delattre, Cindy Doutres, Romain Vissol, Nicolas Guillot et Marie Hennerez – s’amusent sur le plateau comme des pantins mécaniques. Ils revendiquent un jeu burlesque de connivence et de complicité hardie. Affublés de perruques caricaturales et grotesques, ils jouent, texte en main, mimant le travail forcené et relatif des répétitions de théâtre. Ces marionnettes humaines sont vêtues de faces de costumes clownesques en carton rigide couleur de bonbons acidulés. Quand les personnages se retournent sur la scène, le dos présenté au public, les subterfuges qui leur tiennent lieu d’habits sont brutalement mis au jour. Le bruiteur musicien Pierre Gascoin, rivé à son pianocktail ou bar à bruits, s’amuse des sons et des bruits les plus rudimentaires de la vie quotidienne, comme le saut de bouchon d’une bouteille de Sauternes dont les protagonistes s’empressent de vider le contenu à grandes gorgées percutantes. La scénographie relève de l’univers ludique des jardins d’enfants, construite à partir de modules cubiques recouverts de mousse colorée qui scratche. Papier carton ou synthétique, les lambeaux de l’existence se déchirent trop facilement.

Forces incontrôlables

Colin est un jeune homme riche qui vient d’engager Nicolas, cuisinier facétieux, et invite à dîner Chick, ami ingénieur moins fortuné et passionné de Jean-Sol Partre. Colin et Chick tombent respectivement amoureux de Chloé et d’Alise, disciple elle aussi du philosophe existentialiste. Une amie malicieuse du quatuor, Isis, invite la compagnie pour le « nanniversaire » de son caniche. Légèreté, désinvolture, jeux de langage, et apparemment manque de sérieux, deux choses importent pourtant : « l’amour, de toutes les façons, avec des jolies filles, et la musique de la Nouvelle Orléans ou de Duke Ellington… » Ces jeunes gens ont tout pour être heureux, mais la vie en a décidé autrement. Chloé souffre d’un mal étrange, un nénuphar sur le poumon, et Chick s’enferme dans sa passion pour Jean-Sol Partre, auquel Alise demande secours. Des forces incontrôlables tirent les ficelles de notre présence au monde. Vian traduit poétiquement l’arbitraire de la destinée humaine. Tout peut arriver qui enraye le déroulement joyeux des jours en fuite. Symbole de l’éphémère, l’écume est ce qui reste du temps anecdotique. Les acteurs s’engagent dans un parti pris d’énergie farouche et de belle vigueur qui dépasse notre banalité.
 
Véronique Hotte


L’Écume des Jours, de Boris Vian, adaptation de Judith Davis, mise en scène de Béatrice de La Boulaye ; Du 25 octobre au 31 décembre 2011.Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 18h. Théâtre de Belleville 94 rue du Faubourg du Temple 75011. Tél : 01 48 06 72 34

A propos de l'événement


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