La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Temps et la Chambre

Le Temps et la Chambre - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline
Le Temps et la Chambre au Théâtre de la Colline. CR : Michel Corbou

Théâtre de la Colline / Botho Strauss / mes Alain Françon

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Une pièce étrange que les comédiens et la mise en scène d’Alain Françon font vivre dans toutes ses potentialités. Le Temps et la Chambre constitue une expérience théâtrale à part.

Alain Françon l’affirme lui-même : “Le Temps et la Chambre est une des pièces les plus étranges que je connaisse”. L’ancien directeur du Théâtre National de la Colline monte pour la première fois un texte de l’auteur allemand Botho Strauss, pièce qu’a contribué à faire connaître en France la mise en scène de Patrice Chéreau. Sa structure est particulière, et le terme de fragmentaire ne saurait suffire à la définir, même s’il est en partie approprié. Tout commence avec Julius et Olaf, deux vieux sceptiques, qui se détachent du monde en le regardant s’agiter, du haut de leur fenêtre. Mais le dehors investit leur espace privé via le personnage d’une jeune femme. “Vous venez de parler de moi ? C’est bien vous ? Que racontez-vous là ?” questionne-t-elle en passant la porte de leur appartement. On dira d’elle qu’elle est “instable”, tout comme ces morceaux du dehors qui font irruption à sa suite. L’Homme sans montre, l’Impatiente, la Femme sommeil que porte dans ses bras l’Homme en manteau d’hiver se succèdent sans logique apparente et rejoignent cette Fille de la rue nommée Marie Steuber. Dans une deuxième partie, l’action se concentre autour de cette dernière, dans des scènes éclatées, aux personnages indéfinis bien que reconnaissables, et place en son centre la thématique des rapports homme/femme.

“Je n’arrive pas à recoller les morceaux. Je me creuse la tête”

Le Temps. “Sous la neige fondue pointent les pétards consommés de la Saint-Sylvestre. Et les crottes de chien de l’année passée”. Les épisodes se télescopent, les époques se recouvrent les unes les autres, le temps est une succession de couches de réel qui se confondent dans la Chambre. La Chambre. Elle est en réalité un immense appartement, ou trône une gigantesque colonne rouge, vestige antique qui prendra la parole. L’illusion du hors-champ de la rue en contrebas est parfaite et saisissante. Les plafonds s’élèvent jusqu’au ciel. Les personnages sont comme en suspension, entre le néant et l’infini. On pense à Pascal, à Beckett, à Sarraute. La traduction de Michel Vinaver semble magnifier le texte. Les pans de lecture se superposent : existentiel, social, psychologique… L’absurde et la comédie se mêlent. En apesanteur, les comédiens jouent simplement avec une forme de distanciation. Si les situations sont nettes, les personnages restent incertains. En Marie Steuber, Georgia Scallet excelle avec ses petits pas et ses grands gestes, contenue et excessive tout à la fois. Chaque nouvelle scène se détache des autres et s’y rapporte à la fois. “Je n’arrive pas à recoller les morceaux. Je me creuse la tête” admet finalement Marie Steuber. Dans ce tourbillon se défait l’illusion (chrono)logique que la continuité du temps donne à nos vies.

Eric Demey

A propos de l'événement

Le Temps et la Chambre
du vendredi 6 janvier 2017 au vendredi 3 février 2017
Théâtre de la Colline
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Tel. : 01 44 62 52 52. Durée 1h45. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg.

 

Egalement les 7 et 8 février à la Maison de la Culture d’Amiens, du 14 au 17 février à la MC2 à Grenoble, du 22 au 24 février au Théâtre Sortie Ouest à Béziers, du 1er au 12 mars au Théâtre du Nord, du 19 au 21 mai au festival Théâtre en mai à Dijon.

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