Le Suicidé
L’action du Suicidé de Erdmann se situe dans les années 30. Visionnaire du destin totalitaire de l’ex-URSS, l’écrivain donne à l’homme un sens à sa vie dans la réparation des misères subies. Une troupe endiablée sous la baguette cinglante de Volodia Serre.
La vie sociale est une fabrique de slogans offensante.
L’anti-héros Sémione Sémionovitch (Alexandre Steiger) a des allures chaplinesques, une diction nasillarde aux échos enfantins. Humilié car chômeur vivant aux crochets de sa femme et de sa belle-mère, il se veut libre : « on ne peut vivre comme ça, il faut crever alors … » Le pessimisme du suicidaire est récupéré par des dissidents que son cadavre futur intéresse, surtout sa lettre rédigée au préalable contre le régime. Les candidats à la plainte rassemblent l’intelligentsia russe (le comique Olivier Balazuc), le commerçant, l’artiste, le religieux, l’amoureuse qui défend l’âme contre le corps de sa rivale, sous le regard hébété d’un coursier du Parti en bleu de travail et bicyclette. Ne reste au désespéré qu’à quitter ce monde avec une conscience sociale, « ce qu’un vivant peut penser, il n’y a qu’un mort qui puisse le dire ». Mais le candidat loufoque au trépas n’est pas fou : « Elle existe oui ou non, la vie dans l’autre monde ? » La dictature, la Révolution, ça sert à quoi ici-bas ? La vie sociale est une fabrique de slogans offensante, la victime exige réparation. Sermione Sermionovitch veut vivre en homme contre la masse qui noie les identités. Brouhaha, gaieté et plaisir festif, un réjouissant cocktail sonore et visuel.
Véronique Hotte
Le Suicidé de Nicolaï Erdman, texte français André Markowicz, mise en scène de Volodia Serre, du 6 novembre au 14 décembre 2008, mardi, mercredi, vendredi 20h30, jeudi, samedi 19h30, dimanche 15h30 au Théâtre 13, 103A boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris Tél : 01 45 88 62 22. Le 16 décembre 2008, 20h30 au Théâtre de Corbeil-Essonnes. Texte publié aux Solitaires Intempestifs.