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Avignon / 2024 - Entretien / François Cervantes
Robert et sa femme, Franck et ses parents, mais aussi le cousin de Robert, les profs de Franck, les fantômes, les vivants et les morts : François Cervantes continue d’explorer les vies minuscules et la grandeur humaine…
Comment est né Le Repas des gens ?
François Cervantes : Dans Le Cabaret des absents, il y avait une petite pastille que j’ai extirpée et agrandie, avec un couple, Robert et sa femme. Ils n’ont quasi jamais quitté leur quartier et reçoivent un jour à dîner un lointain cousin, directeur du théâtre, qui, en retour, les invite à dîner sur le plateau du théâtre. Ils sont servis par le régisseur, qui, petit à petit, raconte sa vie de régisseur, pendant que ses invités commencent à se confier eux aussi. Ce spectacle est comme une coupe géologique dans le théâtre qui permet de découvrir l’invisible. On part du concret pour aller vers une convocation des absents, des morts. La scène devient lieu de réactivation de la mémoire et de la prise de parole devant la communauté des hommes.
Est-ce le rôle du théâtre ? À quoi bon continuer d’en faire aujourd’hui ?
F.C. : À quoi bon ? La réponse à cette question est toujours dans le désir et la conviction. Je crois que c’est plus important que jamais, même si la situation actuelle de la création provoque une grande amertume et donne l’impression d’avoir été abandonné par le politique, petit à petit rattrapé par l’industrie du divertissement. Croire à l’importance de l’échange de la parole de personne à personne est rendu difficile dans cette société où tout semble en vrac. Le privé a gagné un terrain énorme ; après l’épidémie de Covid, les factures d’électricité ont mangé les budgets et les directeurs des théâtres ont l’impression qu’ils ne peuvent plus faire leur métier. La situation est la même à tous les étages : profs, médecins se disent aussi « à quoi bon ? ». L’angoisse, la colère, la frustration montent, mais il y a aussi des initiatives extraordinaires. On ne voit pas ce qui existe à force de tirer sur la corde de la peur. Reste qu’un cap est à passer, pour aller vers un monde différent. Notre époque est blessée à l’endroit de l’humanité. Au contraire des hannetons, qui ont été réussis du premier coup, nous sommes inachevés. Or, l’art sert à parler du projet d’être humain. C’est un appétit que les gens ne savent pas avoir, surtout quand on assimile l’art au divertissement et le théâtre à une petite distraction.
Au 111 · Avignon, vous reprenez les deux premiers volets de La Trilogie de Franck…
F.C. : Il y a longtemps, le directeur de la Meurise, le théâtre de Trappes, m’avait demandé de faire un atelier d’écriture. J’avais refusé mais je lui ai demandé de me permettre de retourner à l’école ; il a accepté. On m’a donné une place au fond de la classe de 4èmeA. J’ai écrit des portraits d’élèves, de l’atmosphère, des rédactions avec eux. Des années après, j’ai adapté cette nouvelle, qui a donné La Table du fond. Puis est venu Silence et Le Soir. On a joué dans des classes, des théâtres ; j’avais envie de les reprendre. On joue les deux premiers volets chez Fida Mohissen, avec lequel j’ai une relation très privilégiée. Il reprend cet été Shahada, que j’ai mis en scène. Fida est quelqu’un qui me touche beaucoup. Il est tombé amoureux non pas de la France mais de la langue française, tout en restant profondément attaché à la Syrie. Lui, la question du « à quoi bon ? », il l’a chevillée au corps : il est passionnant de voir combien le théâtre a sa place dans une vie aussi tourmentée.
Propos recueillis par Catherine Robert
Le Repas des gens : du 29 juin au 21 juillet à 18h45. Relâche le mercredi. Tél. : 04 32 76 24 51. Durée : 1h30. À partir de 12 ans. Le 11 · Avignon, boulevard Raspail, 84000 Avignon.
La Trilogie de Franck (La Table du fond et Silence). Du 9 juillet 21 juillet, à 10h30. Relâche le lundi. Tél. : 04 84 51 20 10. Durée : 2h05 (avec entracte). À partir de 11 ans.
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