Le regard de Carmen Consoli
La turbulente chanteuse sicilienne s’associe à sa compatriote metteur en scène Emma Dante pour offrir aux chansons de son dernier album paru il y a un an un nouvel éclairage théâtral. Un regard sans concessions.
Un prénom de diva du peuple, un patronyme sicilien à la consonance mélancolique : Carmen Consoli ne se présente plus chez nos voisins transalpins… Après la parution de son dernier album « Eva contre Eva » (Mercury) et un apport au prochain opus de Goran Bregovic, Consoli fait appel au talent de dramaturge d’Emma Dante – actuellement à l’affiche du Théâtre du Rond Point. « C’est le questionnement sur notre legs culturel qui nous a rapprochées. Emma a écrit trois monologues qui viennent se glisser entre mes chansons, trois textes dits par des personnages qui s’interrogent et réagissent contre le mensonge. » Sur scène, musique et théâtre s’entremêlent par la voix de Carmen et celle de la comédienne Simona Malato. La Sicile traditionnelle s’y retrouve dépeinte sous le regard acéré des femmes. « Tous nos personnages sont féminins en regard de la faute d’Eve, celle par qui nous nous retrouvons sur Terre, à la recherche perpétuelle de la vérité. En héritant du péché originel, on a hérité du mal-être qui va avec.» La Sicile devient le théâtre du travers social, toujours entre la tragédie et la dérision « En Sicile, tout repose sur le paraître et le regard des autres, notre culture a du mal à se défaire du jugement d’autrui. Il suffit de lire Pirandello… Les personnages du spectacle sont enfermés dans cette culture sicilienne, ils subissent tout le poids de la pression sociale. Leur vie, leurs amours, leur profession sont soumis aux jugements de la vox populi. » Une société où le mensonge finit par devenir vérité à force de persuasion et de répétition. Et le creuset originel prend un visage universel, cette métaphore sicilienne finit par s’appliquer à toutes les facettes de notre société, où la répétition médiatique crée des vérités. Chantre d’une certaine chanson alternative, où le texte porte le message de son auteur, Consoli explore des origines qui nous rappellent que nous sommes citoyens d’un drôle de monde.