La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Réformateur

Le Réformateur - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Oeuvre
Serge Merlin, acteur bernhardien. © Dunnara MEAS

Théâtre de l’Œuvre / de Thomas Bernhard / mes André Engel

Publié le 21 septembre 2015 - N° 236

Serge Merlin déploie son talent dans le rôle du Réformateur nihiliste et rageur, dans une mise en scène très formelle d’André Engel.  

On se souvient de Serge Merlin dans ce même lieu interprétant Extinction de Thomas Bernhard, performance impressionnante à la hauteur de cette “anti-autobiographie“ férocement rageuse s’efforçant d’“éteindre“ le temps de la bêtise, “éteindre“ sa famille et tout ce qu’est Wolfsegg, “haut lieu de la stupidité“. Acteur inouï d’une rare présence, sachant associer les contraires et rebondir d’un état à l’autre avec une capacité époustouflante, Serge Merlin est un intime de l’auteur autrichien, capable de se hisser à sa démesure. Il fut interprète dans Simplement compliqué, La Force de l’habitude, Minetti, Le Neveu de Wittgenstein, et… Le Réformateur, qu’André Engel créa en 1991 puis reprit en 2000. Le décor, similaire aux précédentes versions et réduit à la taille du plateau du Théâtre de l’Oeuvre, est un intérieur net et soigné, anguleux et évidé de tout superflu ou sentimentalité. Seul mouvement : celui des aiguilles du temps, et celui des pas silencieux de l’épouse et servante – Ruth Orthmann – de l’auteur du Traité de la réforme du monde (l’esprit réformiste n’étant ici pas au mieux de sa forme, c’est plutôt l’anéantissement e la destruction du monde qui sont en jeu).

Logorrhée cassante

Malade, juché sur une estrade et enveloppé d’un drap blanc, il attend une délégation de l’université venue lui remettre le titre de docteur honoris causa. Il se lamente, éructe, exige, vitupère et humilie au fil d’une logorrhée cassante et profondément vivante. Se télescopent ici haine et amour de la vie, tragédie et comédie. Quelques adresses drolatiques à un public lui aussi silencieux : le poisson rouge dans son bocal. André Engel transpose l’action au début de la philosophie des Lumières, époque de foi en l’idée de progrès. « Peut-être une façon de dire que c’était déjà foutu dès le départ. Ajouter du pessimisme au pessimisme en le rendant humoristique », explique-t-il. Et il imagine une fin percutante. Symptomatique de toute relation, y compris politique et sociale, le désastre domestique est total. « Son écriture est aussi acérée, aigüe, intempestive, péremptoire que ce qu’il a à dire, que la violence des propos qui l’animent », confie le metteur en scène à propos de l’auteur autrichien  (La Terrasse, n°235). Cependant, malgré l’excellente interprétation de Serge Merlin, qui à 80 ans passés impressionne toujours, et malgré la formidable chute de la pièce, subsistent une apparence sage, comme empesée de la mise en scène, et une vision trop convenue de la relation entre les époux. Peut-être aussi le texte est-il moins fascinant que d’autres de Bernhard.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Le Réformateur
du mardi 8 septembre 2015 au dimanche 11 octobre 2015
Théâtre de l’Oeuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 44 53 88 88. Durée : 1h45.

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