« Le premier sexe, ou la grosse arnaque de la virilité », un spectacle drôle et instructif de de Mickaël Délis
La Scala Paris / texte de Mickaël Délis / mise en scène de Mickaël Délis et Vladimir Perrin
Publié le 28 août 2024 - N° 324Solo sur les stéréotypes de genre, Le premier sexe, ou la grosse arnaque de la virilité,écrit et interprété par Mickaël Délis, traverse les difficultés inhérentes à une jeunesse hors catégories. Un spectacle drôle et instructif.
Il existe maintenant deux Premier sexe. L’un, pamphlet masculiniste écrit par Éric Zemmour, a été publié en 2006. L’autre, le seul en scène de Mickaël Délis, a démarré sa success story en 2018. Malgré leurs titres identiques, inspirés du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, les deux ouvrages suivent, on s’en doute, des trajectoires bien différentes. Le texte zemmourien dénonce une supposée prise de pouvoir des femmes aux dépens d’hommes en perte de repères. Le second, celui qui nous intéresse, déconstruit quelques normes de la virilité telles qu’elles s’imposent encore largement de nos jours aux garçons. Seul en scène autobiographique, rendu possible, raconte son auteur, par un long travail d’analyse psy et de recherches sur le sujet du genre, Premier sexe n’en prend pas moins les atours d’un spectacle très théâtral et amusant, qui, s’il ne pose pas un œil très neuf sur un sujet désormais largement partagé, donne à retracer un parcours de vie à la fois cocasse et édifiant. Avec une mère dépressive, un père à l’ancienne, un frère qui va bien, ce n’est pas forcément facile de mener sa vie d’ado quand on accuse des kilos en trop, un genre et une orientation indéfinis.
La difficulté de se construire
Mais cela donne lieu, quelques années plus tard, à des scènes bien amusantes. Seul au plateau avec quelques simples accessoires, dont une chaise, un foulard…, Michaël Délis interprète les nombreux personnages de sa saga intime – famille, amis, psy, enseignants… – dans une succession de flashbacks plus ou moins imaginés. Les moqueries sur son indétermination, une mère aussi possessive qu’absorbée par sa maladie, aussi ouverte d’esprit que centrée sur elle, un psy qui tord les mots, un spécialiste des questions de genre qui a des airs de savant fou : en une heure quinze, Mickaël Délis esquisse une mosaïque colorée avec lui au milieu de tout cela, brinquebalé, naturellement perdu, dans l’espèce d’absence à soi de l’ado qui se cherche. Mené sur le ton de la comédie, qui ne s’empêche pas d’être mordante, mais laisse à chaque personnage la liberté d’être soi dans sa complexité, Le premier sexe retrace la difficulté de se construire en échappant aux catégories bien établies en même temps qu’une histoire personnelle et circonstanciée. On y croise évidemment les habituels diktats de la masculinité – aspect, force, séduction, succès… – qui fatiguent garçons homos comme hétéros (espérons-le, hier plus qu’aujourd’hui), qui n’en ressortent pas indemnes.
Eric Demey
A propos de l'événement
Le premier sexe, ou la grosse arnaque de la virilitédu mardi 17 septembre 2024 au mercredi 27 novembre 2024
La Scala Paris
13 Boulevard de Strasbourg, 75010 Paris
les mardis et mercredis à 19h15. Tel : 01 40 03 44 30. Spectacle vu à la Reine Blanche à Avignon. Durée : 1h15.