Le Père de Stéphanie Chaillou, mise en scène de Julien Gosselin
Théâtre National de Strasbourg / de Stéphanie Chaillou / mise en scène Julien Gosselin
Publié le 13 juillet 2020 - N° 286Dans le travail de Julien Gosselin, Le Père, porté par le comédien Laurent Sauvage, est un spectacle à part. Court monologue d’un agriculteur ruiné, il s’inscrit néanmoins dans la lignée de ses personnages mélancoliques et de son goût pour les récits, les écritures.
Pourquoi avez-vous décidé de reprendre Le Père, spectacle créé en 2015?
Julien Gosselin : Pour notre compagnie, l’idée de répertoire est importante. On se démène pour que nos spectacles continuent à tourner, d’autant que les fresques plutôt longues et coûteuses que l’on fabrique ne sont pas faciles à faire voyager. Le Père, lui, est un spectacle qui a beaucoup tourné mais seulement pour quelques dates chaque saison. Qui s’est modifié, raccourci, dans lequel Laurent Sauvage se sent de mieux en mieux. Où j’ai maintenant l’impression que l’on a trouvé le réglage le plus juste. Cela rend heureux tout le monde de le reprendre.
Quelle est l’histoire de ce spectacle ?
JG. : J’ai découvert le texte de Stéphanie Chaillou, rebaptisé ensuite L’homme incertain, grâce à Hubert Colas. J’ai lu les trois premières pages et j’ai tout de suite été saisi. L’écriture, la parole simple, radicale. L’histoire de cet homme qui souffre d’avoir perdu quelque chose, ses rêves, et la parole naïve de ses enfants en contrepoint. Aujourd’hui, ce texte me fait toujours pleurer.
C’est donc l’histoire d’un agriculteur ruiné ?
JG. : Oui. L’agriculture ancre le récit dans un milieu social intéressant : la classe moyenne d’un village. Elle ancre aussi le texte dans la nature, cette nature sur laquelle le personnage revient sans cesse, parce que, elle, ne change pas. Mais c’est surtout un personnage qui suit la même trajectoire que beaucoup des personnages des spectacles que je monte : la perte et une sorte de dépression qui s’ensuit.
C’est pourtant un format inhabituel pour vous ?
JG. : Oui, car je monte souvent des grands formats alors que celui-ci est un court monologue. Mais j’ai quand même effectué un travail plastique, comme j’aime à le faire. Laurent reste la moitié du temps dans le noir profond, puis disparaît un moment au profit d’une installation visuelle et sonore. J’aime proposer de véritables objets à regarder.
« Aujourd’hui, ce texte me fait toujours pleurer. »
Votre théâtre restera-t-il le même dans ce fameux monde d’après ?
JG. : Je me pose bien sûr de plus en plus de questions dans mes productions. J’essaye de récupérer un maximum de choses pour construire mes scénographies, on essaye de grouper les tournées pour éviter la multiplication des voyages. Mais je ne suis pas dupe non plus du théâtre mondial aujourd’hui, qui, même s’il porte des idées de gauche, répond à une logique libérale. Les artistes, dont je fais partie, y sont des valeurs qui peuvent s’échanger sur le marché des spectacles. C’est pour ça aussi que je travaille sur l’ouverture d’un lieu à Calais. Face à cette logique, il faut un ancrage local
Craignez-vous les conséquences de la crise de la Covid pour l’économie du théâtre ?
JG. : Je ne vais pas me lamenter sur mon sort. Mais les spectacle que je crée sont souvent des spectacles à gros budget et je sais que ma compagnie va être impactée dans les temps qui arrivent. Les lieux ont été touchés financièrement et, forcément, ils vont diluer leurs aides aux artistes. Je suis dans une économie où à chaque spectacle, on prend de gros risques. Mais je continuerai à le faire.
Propos recueillis par Eric Demey
A propos de l'événement
Le Pèredu mercredi 7 octobre 2020 au mercredi 14 octobre 2020
Théâtre National de Strasbourg
1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg
à 20h, le samedi à 16h. Relâche le dimanche. Tel : 03 88 24 88 00.